• L'heure des révélations au Palais des Mille Fleurs

     ORAGES EN KARMELIE : CHAPITRE 17

     

    Entrer dans un château, c'est pas toujours du gâteau

    La Reine Hortense profitait du premier moment de la journée au cours duquel elle pouvait enfin libérer ses belles ailes blanches : seule dans sa baignoire, dans la somptueuse salle des bains de la suite Royale du Château des Mille Fleurs.

    Cela n'empêcha pas qu'on la dérange en frappant à la porte. C'était prévu.

    - C'est toi, Dhâle ?

    - Oui, Mère.

    - Entre, et referme bien la porte.

    La Princesse Dhâle, le visage fermé, encadré comme toujours d'une magnifique cascade de cheveux blonds, entra en silence dans la salle de bains.

    - Je sais bien que tu ne m'adresses plus la parole depuis presque un an, mais il faut qu'on parle, ma fille.

    - Je ne parlerai que si tu réponds à mes questions, Mère.

    - Je ne peux pas te donner de nouvelles de ton garde. Je n'ai plus de nouvelles de son expédition en Pays Troll depuis plus de six mois. Ils sont considérés comme définitivement perdus. J'ai une liste des morts certains, mais je ne te la communiquerai pas tant que tu ne m'auras pas donné son nom.

    - Pour que tu le fasse exécuter sous mes yeux quand tu l'auras sorti de ton chapeau ? Certainement pas. Et pourquoi les avoir envoyés en Pays Troll ? Tu aurais pu aussi bien les faire étrangler dans la prison du Château, tu aurais économisé leur transport. De toute façon, il n'est pas mort, je l'aurais senti.

    - Je t'ai promis de ne pas les tuer. J'ai respecté ma part du marché. Ce n'est pas de ma faute si les Gardes Royaux exercent un métier à risque. Et qu'il soit mort ou pas n'a aucune espèce d'importance, tu ne le reverras jamais !
    Par contre, je te rappelle que je les avais épargnés contre ta promesse de te marier sans histoires et de nous donner une héritière. Tu n'as pas rempli ta part du marché. Tu as lu la presse à scandales, comme moi. Toute la cour bruisse de rumeurs sur ta relation avec ton mari. Vas tu enfin te décider à passer à l'acte ? Sinon tu peux toujours mettre le feu au Château, si le coeur t'en dit. C'est la dernière chose stupide que tu n'aies pas encore fait !

    - Ton héritière, tu l'as fait disparaitre ! lui lança Dhâle avec colère, les larmes aux yeux. C'est ta fidèle servante qui me l'a volée. La dernière fois que je l'ai vue avant que cette sale traîtresse de Maliou l'embarque, elle était en pleine santé !

    - Ma chère enfant, répondit froidement la Reine. Je vais te le dire une fois pour toutes, et ce sera la dernière. Ta fille n'est pas morte de ma main ni de celle de Maliou, je te le jure ! Elles sont mortes toutes les deux dévorées par des loups, sur la route Royale alors que Maliou allait la remettre à l'orphelinat. Nous n'y pouvons rien, il faut l'accepter.

    - Tu changes encore une fois de version, c'est invraisemblable ! Il y a six mois, le bébé avait succombé à une maladie rare et Maliou avait disparu ! Comment veux tu que je te croie ?

    - Parce que tu n'as pas le choix ! Et tu ne penses tout de même pas qu'une demi-orc, fille d'un garde, fut-il Royal, aurait pu monter sur le trône de Karmélie, tout de même !

    - Et pourquoi pas ? Il y a une loi qui empêche les demi-orcs de monter sur un trône, dans les Neuf Royaumes ?

    - Non il n'y en a pas, pour la bonne et simple raison qu'il n'est jamais venu à l'idée de quiconque de mettre un ou une demi-Orc sur un Trône ! cria la Reine.

    - Bien, si tu n'as rien d'autre à ajouter, je vais me retirer, dit Dhâle, furieuse et blessée.

    - Nous n'en avons pas terminé, Princesse ! J'admire ton caractère, mais si le Royaume est actuellement en difficulté, c'est à tes frasques que nous le devons. Vas tu enfin nous donner une vraie héritière ? Que se passe t-il avec ton imbécile de Prince ? Il n'est pas à ton gout ?

    - Et bien il se trouve, chère Mère, que tu as un nouveau problème.

    - Ah oui ? Et lequel, je te prie ?

    - Le voilà.

    Sur ce, la Princesse déboutonna sa robe entièrement, et celle ci tomba à ses pieds, révélant la Princesse dans son plus simple appareil. Sa mère ne fut pas trop surprise par sa grande beauté, elle connaissait suffisamment sa fille, et même la vilaine cicatrice qui lui barrait le ventre ne parvenait pas à l'enlaidir. 

    - Et bien quoi, tu as peur que cet imbécile de Mordiou prenne peur à la vue de ta cicatrice. Crois moi, il a d'autres choses à regarder, il ne la verra même pas.

    À ces mots, avec un petit sourire en coin, la Princesse déploya de très jolies ailes blanches, les mêmes que celles de sa mère, qui étaient jusqu'alors bien pliées dans son dos. La Reine, pourtant rarement prise à court d'argument, ne pu lâcher qu'un :

    - Et merde.

    - Et oui, Mère. Tu m'avais toujours dit que la maturité magique d'une Fée des Lys n'intervenait que très rarement avant 30 ans, ce qui me donnerait largement le temps de concevoir quelques héritières avant que des ailes ne me poussent dans le dos, mais Mère Nature a décidé de nous faire une petite surprise. Mes Ailes ont commencé à pousser le jour de mon mariage, avec dix ans d'avance. Tu comprends pourquoi je n'ai pas rejoins la couche de mon mari depuis lors, je suppose ? 

    La Reine accusa le coup. Elle qui ne montrait jamais rien hormis sa colère, laissa pour une fois d'autres sentiments s'inscrire sur son visage. L'accablement, la tristesse et la résignation s'invitèrent dans grande baignoire de marbre. Après un moment, elle finit par reprendre :

    - Je ne comprends que trop bien, hélas. Si le Royaume de Mordiou venait à apprendre qu'une lignée de Fées des Lys est assise sur le Trône de Karmélie depuis des générations, il ne faudrait pas longtemps pour que nous nous retrouvions toutes les deux sur un bucher. La Reine du Royaume de Brie viendrait de chez elle à genoux pour pouvoir l'allumer... 

    La Reine plongea dans ses pensées quelques instants, avant de reprendre : 

    - Regagne tes appartements. Je regrette que tu ne m'aies pas prévenue plus tôt, il y a forcément une solution à ce problème, il faut que j'y réfléchisse. 

    - Bonne nuit, Mère, lui dit la Princesse avec un sourire triste, avant de se rhabiller et de prendre congé. Avant de partir, elle se retourna et dit à la Reine : 

    - Je suis désolée de te donner autant de soucis, Mère. Après tout, en comparaison, mes petits problèmes ne sont pas bien graves. J'ai juste perdu l'homme que j'aime et mon enfant.

    La porte de la salle des bains Royaux claqua très fort.

    La Reine poussa un énorme soupir de frustration. Son bain était froid.

     Le bébé a disparu

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