• Visite inamicale

    ORAGES EN KARMELIE : CHAPITRE 43

     

    Princesse !

    Le temps s'était beaucoup amélioré depuis quelques jours au dessus du Monastère. Le port des gants s'avérait une solution satisfaisante, finalement, même si Lia avait encore eu quelques visions fugitives, même sans contact direct avec la peau de Gardène.

    Mais les intempéries des semaines précédentes avaient considérablement détrempé le chemin de terre menant au Monastère, empêchant les Frères de se rendre en ville vendre leurs fromages.
    Levant les yeux du traité sur la "Fusion des visions chez les Fées" de l'Archiviste Royal Débilmé Pagateux qu'il était en train de lire, le Frère Jordan vit par la fenêtre de son étude qu'un chariot s'était embourbé sur le chemin menant au Monastère. Ses deux roues étaient enfoncées dans la boue jusqu'au moyeu. Non, à la réflexion, ce n'était pas un chariot, mais un CAR, un Carrosse d'Action Rapide aux couleurs du Royaume de Karmélie. Ce fut confirmé lorsqu'il vit alors quatre Gardes Royaux en armes, de grands Orcs Noirs, en descendre pour le pousser. 

    Il se précipita pour aller trouver Félicité, qui était comme d'habitude dans la nurserie. 

    - Félicité, je crois que nous avons un problème. Quatre Gardes Royaux sont sur la route du Monastère, ils ne vont pas tarder. Je doute qu'ils viennent nous acheter du fromage. 

    Félicité leva vers lui des yeux inquiets. Les visions fugitives qu'elle avait eu ces derniers jours n'étaient pas rassurantes. L'arrivée de ces Gardes Royaux était forcément en lien avec Gardène. Il fallait en avoir le coeur net. Félicité retira ses gants, et prit la petite fille à pleine mains, en prenant soin de passer sous son chandail afin de pouvoir la toucher à même la peau.

    Frère Jordan, inconsciemment, rentra la tête dans les épaules en fermant les yeux. Il s'attendait d'un moment à l'autre au déclenchement d'une nouvelle tempête orageuse au dessus du Monastère. 

    Il fut surpris lorsque au lieu d'un grondement de tonnerre il entendit la petite Gardène prononcer ses premiers mots : 

    - Pa ! Man ! lança d'une petite voix la fillette, qui semblait aux anges.  

    Félicité avait l'air très étonnée par la vision qu'elle venait d'avoir. Elle mit quelques instants avant de dire : 

    - C'était son père, je crois qu'il... hésita t-elle, je crois qu'il était dans un filet, avec ses compagnons d'armes, au dessus d'une mer. Et le filet était porté par un grand Dragon rouge ? poursuivit Félicité avec de grands yeux étonnés.

    Elle reprit :

    - Je vais tenter une autre vision, celle ci est surprenante, mais elle ne nous apprend rien sur la présence des Gardes Royaux au Monastère.

    Félicité replongea les mains au contact de la petite. Alors que cette fois ci Frère Jordan ne s'y attendais plus, un très puissant coup de tonnerre retentit quelques instants plus tard, faisant sursauter toutes les personnes présentes dans la nurserie et déclenchant les premiers pleurs de bébé.

    Félicité avait peut être l'air encore plus perdue par cette deuxième vision. L'orage semblait gagner en force, à l'extérieur, pendant que Gardène hurlait à pleins poumons, à l'intérieur.

    - Je n'ai pas tout compris à ce que j'ai vu, ça allait trop vite, dit Félicité, mais je suis certaine qu'il faut que nous nous rendions immédiatement au Château des Mille Fleurs, et je suis certaine que les Gardes Royaux qui arrivent sont là pour nous en empêcher !

    Frère Jordan sentit une vague de panique monter en lui. 

    - Mais comment veux tu que nous arrêtions quatre Gardes Royaux, nous ne somme que des Moines !

    - J'ai une idée, dit Félicité. Voilà ce que nous allons faire...

     

    ***

    Un peu plus tard, sous une pluie diluvienne, quatre Gardes Royaux couverts de boue et détrempés frappèrent à la porte du Monastère, sans ménagement aucun. Ils n'étaient pas de bonne humeur.

    La trappe de la porte s'ouvrit et le traditionnel message de bienvenue du Monastère s'en échappa :

    - Bienvenue au Monastère du Bleu Coulant, que pouvons-nous faire pour vous ? Nous avons une promotion de fromages très coulants cette semaine.

    - Au nom de la Reine, ouvrez ! Dit l'un des Orcs Noirs. Nous sommes ici pour récupérer une enfant dont la Reine veut reprendre la garde. Ouvrez !

    Frère Jordan s'empressa d'ouvrir la lourde porte du Monastère : 

    - Entrez Messieurs, bienvenue au Monastère du Bleu Coulant. Nous sommes toujours ravis de recevoir la Garde Royale, nous avons toujours quelques fromages de côté pour vous, nous savons que vous êtes des connaisseurs. Mais avant de vous organiser une petite dégustation, quelle est l'enfant que vous souhaitez récupérer ?

    - Nous ne sommes pas là pour manger tes fromages pourris, Moine ! dit le Garde Royal à la tête du petit détachement avec mépris. La Reine nous a confié une mission. Nous ne connaissons pas le nom de l'enfant. Ce serait une sang mêlé d'Orc Noir et d'humain, dit le Garde avec un peu d'incrédulité dans la voix. Elle aurait un peu moins d'un an.

    - Ah ! s'exclama le Frère Jordan, vous voulez certainement parler de Gardène ! Nous ne serons pas fâchés de vous la confier, cette petite nous donne bien du souci ! Suivez moi, je vais vous conduire à elle, elle est à l'isolement.

    - À l'isolement ? demanda le chef des Gardes, un peu sur la défensive. Pourquoi, elle est malade ?

    - Non, non pas du tout, les rassura le Frère Jordan, c'est parce qu'elle ne cesse jamais de pleurer, elle est d'un pénible ! Nous avons été obligés de l'isoler des autres enfants, pour qu'ils puissent dormir. Venez, je vous conduis à elle. Plus vite vous l'emporterez, mieux ce sera ! 

    Sur ce, le Frère Jordan fit traverser le Monastère aux quatre Gardes Royaux, avant de les faire ressortir du côté opposé à l'entrée, côté jardin. Il pleuvait toujours des cordes, le Frère leur désigna la cabane d'assez grandes dimensions au milieu du jardin, qui abritait l'outillage des Moines. Il y mena les Gardes en trottinant sous la pluie, et poliment, il les fit entrer les premiers dans la cabane en leur disant :

    - Allez-y, elle est dans le fond !

    Lorsque le dernier Garde entra dans la cabane, Frère Jordan referma la porte, fit tomber la planche qui fermait la porte dans ses taquets, puis s'éclipsa le plus rapidement possible pour  laisser Félicité faire la démonstration de ses pouvoirs. Qu'il espérait immenses.
    Il ne fut pas déçu.

     

    ***

     

    À peine la porte du cabanon était elle fermée que Félicité, qui se trouvait à proximité de la cabane, agenouillée dans le jardin, les deux mains dans la terre, appela à elle toutes les forces de la nature, déchainant pour la première fois de sa vie toute la puissance de son pouvoir.

    Des végétaux commencèrent aussitôt à émerger de la terre, tout autour de la cabane du jardin, à la vitesse de l'éclair. En moins de cinq secondes, toute la cabane était totalement encerclée et recouverte de vignes, de lierres, de ronces, et même de lianes épaisses comme Félicité n'en avait jamais vues. La cabane était littéralement engloutie par la végétation. 

    Les Gardes Royaux, pris au piège, commencèrent à hurler : 

    - Au nom de la Reine, ouvrez ! Quel est ce sortilège ? Vous en répondrez !

    Aussitôt il commencèrent à essayer de défoncer à la porte et les murs de la cabane à coups d'épaule, mais il était évident que même des Orcs Noirs ne pouvaient pas venir à bout d'une végétation aussi dense si facilement. Et que leurs épées seraient de peu d'utilité face à cet ennemi végétal.

    Félicité n'en avait pas terminé. Elle se concentra à nouveau, et cette fois fit jaillir tout autour de la cabane une forêt extrêmement dense : des sapins, des frênes, des chênes, des châtaigniers et bien d'autres encore, qui créèrent autour de la cabane une second barrage de plusieurs mètres d'épaisseur, totalement infranchissable celui ci. 

    Frère Jordan et les Moines avaient pris soin de retirer de la cabane toutes les scies et toutes les haches qu'auraient pu utiliser les Gardes pour se dégager. Mais même avec ces outils, il aurait été impossible qu'ils sortent de là avant plusieurs jours. 

    Félicité était ivre de pouvoir, presque survoltée par ses capacités, qu'elle n'imaginait pas à ce point puissantes.

    La pluie avait cessé. Derrière elle, Frère Poupon tenait Gardène dans ses bras. La petite affichait un grand sourire. Le Frère Poupon, la mâchoire pendante, les yeux exorbités, était en état de choc.

     

    ***

     

    Le cocher, qui était resté dans le CAR pendant que les Gardes découvraient les joies de la nature selon Félicité, ne fut pas bien difficile à convaincre quand Frère Jordan lui proposa de venir se restaurer à l'intérieur en compagnie des Moines et des enfants. Ce vieux Gobelin était de toute façon totalement inoffensif. 

    Une fois que le cocher eut rejoint le réfectoire, Frère Jordan chargea de nombreuses caisses de fromages dans le Carosse de la Garde Royale, laissant juste un peu de place pour que Félicité puisse monter à bord avec Gardène. Enfin le gros Moine en prit les rênes, direction la capitale et son Château.

    Félicité avait vu un mariage Royal en préparation, dans sa dernière vision, en compagnie d'autres choses dont elle ne voulait pas parler. 

    Et comme l'avait dit le Frère Jordan en réfléchissant au moyen de passer les différents postes de garde  pour accéder au Château des Mille Fleurs, il faut bien du bon fromage pour un banquet de noces, non ?

     

     

    « L'adieu aux TrollsComme de l'électricité dans l'air »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :