• Le karma est un plat qui se mange froid

    Il y avait quelque chose de brisé chez Jean-Michel.

     

    La vraie cassure s'est produite le jour où il a abandonné son chien dans la forêt de Rambouillet. Il n'avait trouvé personne pour le garder pendant les vacances et avait trouvé ridicule le montant demandé par les pensions pour chiens qu'il avait consulté : deux cent cinquante euros au minimum pour seulement huit jours de garde, sous prétexte que c'était la pleine saison ! Il avait donc décidé de s'en séparer d'une façon moins conventionnelle. Il avait inventé toute une histoire à raconter à sa femme sur le destin funeste du chien, son évasion au moment de rejoindre la pension canine, la route, le camion, le choc, le constat cruel.

     

    Il n'était pourtant pas fier de lui, une fois son forfait commis. Il avait roulé la boule au ventre vers la destination de ses vacances, près de Périgueux. Une fois arrivé, ni ses amis ni sa femme n'étaient parvenus à le dérider de toute la soirée. La compassion et le réconfort que tous ses proches lui avaient témoigné après l'annonce de la mauvaise nouvelle avait été la chose la plus difficile à supporter, pour Jean-Michel. 

    La nuit venue, il fut incapable de trouver le sommeil. Il ne cessait de ré-entendre les aboiements déchirants de Vicks lorsqu'il s'était éloigné de l'arbre auquel il l'avait attaché.

    Rongé par la culpabilité, bouffi de remords, Jean-Michel repartit le lendemain matin aux aurores, sans prévenir personne, pour retrouver son chien. Arrivé aux abords de la forêt de Rambouillet sur le coup de midi, il ne parvint jamais à retrouver l'endroit où il avait abandonné Vicks.

    En fin d'après midi il décida d'aller acheter une tente et un nécessaire de camping dans le Décathlon le plus proche, afin de dormir le plus près possible de sa zone de recherche.

     

    Trois jours durant, il chercha son chien désespérément, ignorant tous les appels téléphoniques de sa femme et des ses amis.

    À la fin du troisième jour Rosita, sa femme, lui annonça par texto qu'elle le quittait.

    Paniqué, il reprit immédiatement la route de Périgueux pour la rejoindre. Il avait très peu dormi au cours des jours précédents et il n'évita que d'extrême justesse plusieurs accidents sur la route. Une fois arrivé à l'hôtel, peu avant 22 heures, ses amis lui apprirent que sa femme avait quitté l'établissement l'avant veille.

    Enragé, Jean-Michel reprit illico la route en direction de son domicile, et s'endormit une heure plus tard sur l'autoroute, entre Limoges et La Souterraine. Il encastra sa Peugeot 2008 dans un poids lourd espagnol qui convoyait tranquillement des aubergines et des tomates vers Rungis. Le poids lourd et les légumes s'en sortirent sans grands dommages mais Jean-Michel ne put pas en dire autant, avec ses fractures du bassin, des lombaires et celles de ses deux fémurs.

     

    Deux mois d'hôpital et trois mois de rééducation sans aucune visite plus tard, il put enfin repartir à son domicile, en VSL.

    Une fois arrivé à son appartement, il trouva une pile de courrier, dont celui relatif à son licenciement, ainsi qu'un avis d'expulsion. L'appartement était par ailleurs vidé de toutes les affaires de sa femme, et de la grande majorité des siennes.

    Sur la porte du frigo, maintenue par un magnet "Haribo c'est beau la vie", il trouva une note manuscrite datée du jour de son accident :

    « N'essaie pas de me revoir. Je te laisse le canapé et ta cafetière. Je garde aussi le chien, que j'ai récupéré au refuge SPA d'Hermeray hier. Il était pucé, pour ton information. Pour un chien mort écrasé, il est en très bonne santé. Adieu. »

     

    Les mois qui suivirent furent difficiles pour Jean-Michel, qui n'avait plus ni femme, ni chien, ni amis, ni travail, ni argent. Il trouva d'abord refuge dans des foyers pour sans abris, avant de trouver refuge dans le vin rouge "La villageoise", puis dans la drogue, qui était moins chère et plus efficace.

    Deux ans plus tard, il mourut écrasé par un camion du côté de la porte de la Chapelle. Il avait fait tomber par inadvertance d'un pont surplombant le périphérique sa dose journalière de crack. Il est mort en tentant de stopper à mains nues le camion de 38 Tonnes bourré de meubles Ikéa qui menaçait d'écraser son petit caillou.

    Disséqué par des apprentis médecins à la faculté de médecine de Paris 13, l'état de son squelette et de ses organes fut l'objet d'une publication dans la revue de la Faculté. Le corps mutilé de Jean-Michel termina son parcours dans le carré des indigents du cimetière de Thiais.

    Vicks, énergique labrador de 5 ans, vit toujours avec sa maîtresse du côté de Sartrouville. Il va très bien, mais il ne supporte plus d'être attaché.

    De l'avis de tous, c'est un très bon chien. 

     

    Le karma est un plat qui se mange froid

     

     

    « Question de goûtOeil de Moscou »

  • Commentaires

    1
    Hélène Louise
    Vendredi 31 Janvier 2020 à 18:55
    Hélène Louise
    Rambouillet, Périgueux, la Chapelle, j'espère que ce n'est pas un message personnel
      • Hélène Louise
        Vendredi 31 Janvier 2020 à 18:57
        Hélène Louise
        (suite je n'avais pas sauvegardé la totalité de mon message quand ce fichu eklablog buguait encore
    2
    Hélène Louise
    Vendredi 31 Janvier 2020 à 18:59
    Hélène Louise

    Le nombre de caractères est-il limité ?

    3
    Vendredi 31 Janvier 2020 à 19:18

    Lol !

    La Chapelle, je vois, mais le reste je ne vois pas !

    Et je ne suis pas responsable non plus des problèmes techniques du blog !

    4
    Hélène Louise
    Vendredi 31 Janvier 2020 à 19:23
    Hélène Louise
    Cher Monsieur, je vous ai adressé le détail de mes réclamations par mail
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