• Le rocher de la mort qui tue. (Ou pas)

    Il était une fois l'ancien village de Morbleu, dans le comté d'Entremont, dans le Royaume de Brie.

    Ancien village, car il avait été évacué depuis fort longtemps. Le village était situé au pied d'une falaise, et un énorme rocher était sur le point de s'en détacher pour écrabouiller le village comme une crêpe au poisson pané.

    D'après les experts, le choc était imminent. Depuis seize longues années...

     

    Sur l'injonction des autorités, tous les villageois avaient donc à l'époque quitté leur foyer, l'âme en peine. Le Roi Khominutt, soucieux du maintien de sa côte de popularité au dessus des 50 %, exigea que le Comte d'Entremont reconstruise à l'identique un village dans un endroit sans danger pour ses habitants. Ce qui fut fait dans un temps record : le nouveau village, situé à quatre lieues de Morbleu, fut baptisé Vivebleu par l'évêque Toussayaplu-Karentré. Qui la chose faite, rentra aussitôt chez lui, loin des montagnes qui risquaient de lui tomber sur le bout du museau à tout bout de champ.

    Seule une vieille villageoise refusa obstinément de quitter Morbleu. La veuve Pilchard (née Dassault) avait assez répété à qui voulait l'entendre que « Jamais je ne quitterai mon village, Mordiou ! » et le fameux « j'y suis, j'y reste » attribué à tort à un autre personnage historique.

    La veuve Pilchard était une vieille femme au moment de l'évacuation, et ni sa famille, ni le Maire, ni le Bourgmestre, ni le Comte, ni même l'envoyé du Roi ne parvinrent à la convaincre d'abandonner le Village de Morbleu. Les experts étaient formels : le caillou pouvait basculer d'un moment à l'autre. La veuve Pilchard était formelle : elle resterait là.

     

    Seize longues années plus tard, la veuve Pilchard vivait toujours dans sa modeste bicoque à l’aplomb de la falaise. Elle cultivait encore un beau jardin, cueillait les fruits sur tous les arbres fruitiers du village, élevait des poules, des canards, des lapins et fabriquait son fromage avec ses quelques chèvres.

    Sa famille n'était jamais revenue la voir. Son seul fils disait toujours : « Pour sûr, si on y va aujourd'hui, le Rocher va tomber, c'est sûr! ». Une ou deux fois par an, la veuve Pilchard venait cependant rendre visite à sa famille à Vivebleu, et repartait le lendemain reprendre son quotidien à Morbleu. A chaque fois, sa famille essayait de la convaincre de rester vivre avec eux : en vain.

    La benjamine de la famille, Magda, avait dans sa prime jeunesse ressenti de la peur et de l'aversion à la vue de sa grand mère. Cette très vieille dame, vêtue de haillons, aux dents rares et au regard perçant n'était pas très engageante. Elle parlait très peu. Elle arrivait toujours à la maison de son fils de bon matin, avec des légumes, des oeufs, des confitures, du fromage de chèvre et parfois un lapin. Une fois le déjeuner terminé, elle repartait sans avoir prononcé plus de quatre ou cinq phrases. 

    Pourtant, au fil des visites de sa grand mère, Magda finit par éprouver de l'admiration pour sa combativité, son courage et son abnégation. Son coeur était lourd à chaque fois qu'elle voyait repartir sa grand mère à Morbleu, seule et démunie.

     

    Par un très froid lendemain de Noël, quelle ne fut pas la surprise des parents de Magda lorsqu'ils trouvèrent sur la table de la maisonnée un mot signé de leur fille qui disait :

    « Mes chers parents, ne vous inquiétez pas, je rejoins Grand Mère à Morbleu pour lui donner un petit coup de main pendant quelques jours. J'ai vu hier qu'elle avait beaucoup de mal à se baisser, elle a besoin d'aide pour couper son bois, je vais lui faire une petite réserve. Je suis assez grande pour faire le trajet de retour toute seule, j'ai douze ans. Je reviendrai avec un fromage de Chèvre et quelques oeufs. Magda »

    Ses parents en furent sidérés. Le père dit : « C'est fini, nous ne la reverrons jamais. Pour sûr, le rocher va tomber aujourd'hui ou demain. Quel malheur ! ».

     

    Lorsque Magda revint trois jours plus tard avec son fromage de chèvre, deux douzaine d'oeufs et un petit lapin, le rocher était effectivement tombé. Un bloc de roche gigantesque, incluant le fameux rocher, s'était détaché silencieusement de la falaise, mais pas du côté prévu par les experts. Il avait glissé de l'autre côté, puis dévalé la pente sur quatre lieues pour finir sa course en plein sur le village de Vivebleu. Il l'avait écrasé comme une crêpe au poisson pané.

    Il n'y eut aucun survivant. Vraiment aucun. Le roi Khominutt, qui est un peu soupe au lait, fut pris d'une violente colère lorsqu'il apprit la nouvelle. Il fit exécuter sur le champ tous ses experts et un peu plus tard le Comte d'Entremont, dont les justifications sur la localisation "sans risques" du nouveau village étaient trop pleines de trous pour être convaincantes.

     

    Aux dernière nouvelles, Magda vit toujours avec sa grand mère à Morbleu. On ignore si il y a encore un risque pour qu'un morceau de rocher se détache et écrase le village abandonné. 

    Aucun expert ne veut plus s'y rendre.

     

    « Un moment d'abandonFallait décrocher »

  • Commentaires

    1
    Hélène Louise Profil de Hélène Louise
    Samedi 20 Juillet 2013 à 20:09

    Bon, c'est pas mal, mais les noms sont beaucoup sont beaucoup trop compliqués ! 

    Et puis c'est avec le lait des chèvres qu'on fait le fromage du même nom, pas directement avec les chèvres elles-mêmes (ces p'tits gars de la ville, ça fait pitié quand même... )

    Et la fin est beaucoup trop heureuse... et morale en plus ! Non, tu sais, pour plaire aujourd'hui il ne faut céder à la tentation de l'histoire gentillette, tout est bien qui finit bien. Je crois que tu pourrais changer la fin et montrer la vieille flanquer la gamine dans sa marmite ; ça ce serait vendeur ! 

    Bon, il y a bien le Roi Plendesoup qui redresse la barre, je te l'accorde... 

    (ça vous fera deux douzaines de saucisses pour le coaching, cher monsieur)

    2
    Jean de Le Bidet Profil de Jean de Le Bidet
    Dimanche 21 Juillet 2013 à 08:41

    Cette histoire m'a été inspirée par une conversation passionnante sur les enjeux. 

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