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    Un banquier de la city, fan ultime d'Edgar P. Jacobs, voit soudainement la valeur de son appartement chuter à la suite du Brexit et de l'effondrement de la bourse Londonienne.

    C'est l'histoire d'une collision entre une bulle financière, une bulle immobilière, et toutes les bulles de Blake et Mortimer.

    Le banquier perd son emploi. Écoeuré, il se fait livrer une palette d'eau minérale et une palette de thon à la tomate, puis s'enferme dans son appartement et se plonge dans la lecture de sa collection de Blake et Mortimer, en boucle. 

    Un peu plus de six mois après le Brexit, un huissier, un serrurier et un officier de police parviennent à ouvrir la porte de l'appartement de l'ex-banquier retranché. Son ancien employeur, la banque, procède à la saisie de son bien, suite à l'absence de paiement de ses échéances mensuelles. 

    Le policier et l'huissier doivent franchir une petite montagne de boites de conserve et de bouteilles d'eau vides pour atteindre le salon, dans le noir. L'électricité a été coupée il y a plus de quinze jours, les volets de l'appartement sont tous fermés. Le policier, équipé de sa lampe torche réglementaire, s'attend au pire et commence à fouiller l'appartement. En l'absence d'électricité, il n'y a aucun moyen d'ouvrir les volets.

    L'appartement est grand, la recherche est longue, le policier n'en mène pas large. Le serrurier est reparti attendre la fin des évènements dans sa camionnette, il remontera pour fermer et préfère s'épargner le reste. L'huissier, angoissé et dépourvu de lampe, est retourné dans l'entrée pour retrouver la lumière et son calme.

    L'huissier entend soudain des cris d'effroi en provenance de l'appartement, et voit bientôt le policier le rejoindre à grandes enjambées. Dans sa précipitation, le policier s'étale de tout son long dans les boites de conserves et s'inflige plusieurs coupures sans gravité, mais il est aussi blême que s'il avait perdu tout son sang. L'huissier l'aide à se relever et lui demande :

    - Alors, vous l'avez trouvé ? Il est mort ? 

    - Non, il n'est pas mort, il est dans la salle de bains, au fond à droite. Allez voir par vous même, lui dit le policier, tremblant, en lui confiant sa lampe torche. 

    L'huissier n'est pas très chaud à l'idée de retourner dans l'appartement, mais il a une tâche à accomplir et il n'a pas vraiment le choix. Il se dirige donc vers la salle de bains. Il avance avec précaution, pour éviter les boites de conserves et les bouteilles d'eau vides qui jonchent le sol. Il remarque que les murs de l'appartement sont couverts de reproductions en grand format des couvertures de Blake et Mortimer. 

    Il arrive devant la salle de bains et, prenant la torche et son courage à deux mains, il entre.

    Il balaie la salle de bains avec sa lampe : il ne voit personne, il ne comprend pas. Curieusement, l'énorme baignoire est remplie d'eau et il aperçoit d'ailleurs quelques bulles qui remontent à la surface. Soudainement, une tête argentée dépourvue de nez surgit de l'eau, les yeux noirs écarquillés. L'huissier pousse un hurlement. Le banquier aussi, car c'est bien lui, là, dans la baignoire.

     

    L'huissier s'enfuit à toutes jambes, se vautre lamentablement deux ou trois fois dans les détritus, et parvient à retrouver le policier à l'entrée de l'appartement. Ils décident d'en référer aux autorités compétentes. Après bien d'autres chutes, bien d'autres cris d'effroi, et la constatation définitive du problème par des autorités compétentes au départ incrédules, la décision est prise d'emmener le banquier à Saint Mary's Hospital, pour examens. Il y est transporté dans un caisson rempli d'eau.

    À Saint Mary's, les médecins sont médusés : le corps du banquier est recouvert d'écailles argentées, ses pieds et ses mains sont palmés, son nez a quasiment disparu, et le long de son cou se trouvent des branchies. Il ne peut plus parler, mais il peut communiquer par signes et par écrit. C'est un cas unique dans les annales de la médecine. L'évènement fait la une de la presse pendant quinze jours, puis, en l'absence d'explications scientifiques probantes sur cette transformation, l'affaire se tasse. 

    Depuis, l'appartement a été revendu par la banque à un couple de riches Sri-Lankais. Les meubles et les objets personnels du banquier, y compris sa collection de Blake et Mortimer, ont été vendus et dispersés aux enchères. 

    Quant au banquier, il est désormais la vedette d'un spectacle au Marineland d'Antibes. 

    Il y travaille deux heures par jour avec des dauphins et des otaries. 

    Le reste du temps, il bulle. 

     


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  • J'aurais pu,

    J'aurais dû.

    Le train de ma vie est passé,

    Je le sais, j'étais dedans,

    Les gares ont défilé,

    Et en cent ans,

    Jamais je ne suis descendu.

     

    Je n'avais rien,

    Pourtant j'ai tout perdu.

    Je n'ai pas renoncé,

    Mais à voyager en vain,

    On reste un moldu.

     

    J'aurais pu,

    J'aurais dû.

    J'ai parfois été tenté,

    Rouge et hésitant, 

    Le pied sur le marchepied,

    Avant d'aller me rassoir,

    À la même place, mais perdu.

     

    Je n'avais rien,

    Pourtant j'ai tout perdu.

    Je n'ai pas renoncé,

    Mais à voyager en vain,

    On reste un moldu.

     

    J'aurais pu,

    J'aurais dû.

    Il n'y a pas de terminus,

    Si l'arrivée vaut le départ,

    La boucle est bouclée :

    Tu n'es pas vraiment perdu,

    Tu es juste un moldu.

     

    Je le sais bien,

    Faut pas trop s'en faire.

    Et dans mon wagon blindé,

    Je poursuis mon chemin,

    À un train d'enfer.

     

    J'aurais pu,

    J'aurais dû.

    Je vais bientôt repasser,

    Du quai de votre gare,

    Vous me reconnaitrez :

    Je serai le seul passager

    En train d'agiter son mouchoir.

     

     


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    À l'ouverture, un lundi matin,

    Trois pachydermes entrent dans un magasin.

    Ils repartent ravis, sans avoir rien cassé,

    Ni leur moral, ni leur tirelire,

    Direction leur ferme,

    Avec de nouvelles bottes en plastique aux pieds.

     

    De peur de les démolir,

    Ils n'ont pas essayé les bottes en porcelaine,

    Il ne faut pas exagérer,

    Cela aurait été du délire,

    Ils voulaient des chaussures de semaine,

    Le dimanche c'est fait pour s'aérer.

     

     

     


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  • Le CODEMHIST (comité pour le développement de la mixité des histoires) nous demande de désormais créer une version alternative féminisée pour tous nos textes. Dont acte :

     

    Deux sorcières au sommet d'une colline,

    Tristes et désolées.

     

    Une semaine plus tôt,

    Elles répandaient sur le monde leur colère divine,

    Une maladie contenue dans de petits gateaux,

    (au beurre frais et aux zestes de clémentines.)

    Le résultat a dépassé ce qu'elles espéraient,

    Vu que, sans exception, tout le monde a crevé.

     

    Les deux sorcières en sont fort marries,

    Car leurs maris aussi y sont passés,

    Et elles se demandent qui va bien pouvoir les emmener

    Sur la colline la plus haute du prochain duché.

     


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  • Deux sorciers au sommet d'une colline,

    Tristes et désoeuvrés.

     

    Une semaine plus tôt,

    Ils répandaient sur le monde leur colère divine,

    Une maladie contenue dans de petits gâteaux,

    (au beurre rance et aux zestes de clémentines.)

    Le résultat a dépassé toutes leurs espérances,

    Vu que, sans exception, tout le monde a crevé.

     

    Les deux sorciers en sont fort marris,

    Car leurs femmes aussi y sont passées.

     


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    L'un des deux Ours de l'espace avait bien une sorte de scanner entre les mains. Ou entre les pattes, c'est difficile à dire à travers la combinaison spatiale. J'ai tout de même remarqué au passage qu'il avait six doigts, dont deux pouces opposables. 

    Le second Ours était doté d'un bâton rougeoyant, mais il n'était pas dirigé dans ma direction. L'Ours au scanner s'est avancé, il m'a jeté un regard qui m'a semblé indifférent (mais qui étais-je pour décrypter le regard d'un Ours de l'espace ?), et il a ensuite fait le tour du poste de commandement, pendant que je faisais de mon mieux pour devenir invisible. Son scanner a bipé une seule fois, au dessus de la console de l'officier scientifique. L'autre ours s'y est précipité, à ouvert (ou plutôt arraché) le dessous de la console, sous laquelle il y avait au milieu des circuits électriques une boule verte visqueuse. Quelle surprise. La boule verte a tenté, assez misérablement il faut le dire, de s'échapper en tentant un saut ridicule en direction du sol. Le deuxième Ours l'a intercepté au vol avec le bout rougeoyant de son arme. Il y a eu comme un flash, un son assez fort que je préfère continuer à qualifier de barrissement d'éléphant asthmatique, et la boule verte s'est désintégrée. Seules quelques cendres noires sont restées en suspension dans l'air un instant avant de voleter vers le sol.

    L'Ours au scanner s'est ensuite dirigé vers le bloc sanitaire ; je n'ai pas osé supposer qu'il était pris d'un besoin pressant, mais plutôt qu'il poursuivait son inspection. 

    Le scanner n'a pas bipé, il est ressorti du bloc en disant quelque chose à son compagnon, quelque chose comme « Ljslo solkkk rro » (retranscription phonétique non garantie, le son étant assez faible car émis sous un casque). Il est possible que l'autre Ours ait alors poussé un ricanement, mais je me suis probablement fait des idées. En tout cas j'ai bien vu ses dents bleues.

    Puis les deux ours sont ressortis du poste de commandement, sans un regard pour moi. J'aimerais pouvoir affirmer que ça m'a vexé. Il n'en est rien, le sentiment prédominant que j'ai ressenti à ce moment là, c'était le soulagement. 

    «  - Je peux peut être leur décongeler une paire de saumons pour les amadouer ?   »  proposa alors Georges.

    À ce moment là, je me suis demandé si, finalement, Georges n'avait pas le même sens de l'humour que Keny.

     

     

    Nous avons ensuite suivi (via les écrans de la vidéo) les Ours Polaires de l'espace terminer l'éradication des boules vertes (et visqueuses) disséminées dans la station, ce qui a bien pris une vingtaine de minutes, les Ours se montrant exhaustifs dans leurs recherches. 

    Pendant ce temps là j'ai demandé à Georges d'envoyer en continu à Luna tout notre flux vidéo en temps réel. Georges m'a résumé le rapport rouge / noir en provenance du module de secours : le Vengen III avait comme nous subi une dépressurisation, mais dans leur cas il y avait des victimes, sans que l'on sache qui exactement. Nous avions peut-être reçu un rapport complémentaire pendant la coupure, si c'était le cas il était perdu. J'ai donc demandé à Georges d'envoyer une demande de réitération, pour qu'ils nous renvoient leurs derniers communiqués, tout en faisant parvenir à notre tour un message d'alerte, rouge (sans noir) à tous nos relais (les quatre stations autour des lunes joviennes, la base de Titan, Mars City et bien entendu Luna). C'était la procédure à suivre pour informer le reste de l'humanité de notre mise en quarantaine. (La quarantaine étant depuis les débuts de l'exploration spatiale la procédure à suivre en cas de contact du 3ème type. Il s'agit de la jurisprudence "Alien"). 

    Après un dernier passage d'Ours dotés de scanners dans tous les compartiments, y compris les compartiments dépressurisés (dans lequel ils ont pénétré de façon civilisée, en empruntant les sas d'accès), nos visiteurs ont tous regagné leur navette dans le hangar d'appontage H. Ils ont embarqué dans leur navette et rien ne s'est passé pendant quelques minutes. Puis un Ours est ressorti avec un genre de boitier magnétique qu'il est allé apposer sur une des cloisons du hangar, avant de remonter dans la navette raie manta / ananas. Celle ci a immédiatement décollé, avant de s'engouffrer dans la brèche par laquelle elle était entrée. Il y a eu un bip sur l'écran du radar principal, puis, dans la seconde qui suivit, la navette des Ours a disparu de nos écrans vidéos et de nos écrans radars.

     «  - Et bien, c'est rapide ces bestiaux là... lança Georges une fois la navette évaporée.

    En effet, leur mode de propulsion était très différent et bien plus avancé que les nôtres, c'était une évidence.

    Est-ce qu'il reste des organismes biologiques inconnus dans la station ? demandais-je à Georges.

    - A priori non, mais comme nous ne pouvions pas les détecter avant la coupure d'alimentation, je ne suis pas certaine que nous serions en mesure de les détecter si il en restait. Ceci dit, il semble évident que les Ours sont venus ici pour éradiquer les boules vertes. Il serait étonnant qu'ils soient repartis sans avoir terminé leur tâche. Il y a une forte probabilité pour que les organismes verts étaient dissimulés dans les circuits électriques. La coupure, vraisemblablement initiée par nos intrus, aura permis de les débusquer. 

    - Et ce qui s'était passé dans l'unité de production de biomasse semble prouver qu'une fois qu'elle est privée d'alimentation la matière verte ne peut pas regagner les circuits... terminais-je.  »

     

    J'ai alors rapidement jeté un œil sur le tableau d'avaries, pour constater que la situation était en bonne voie (essentiellement grâce à Georges) : 

    Pannes primaires :

    • Ruptures de coque anneau supérieur. Pertes d'étanchéité totale compartiments 8 et 22. Tous compartiments scellés. Pressurisation normale pour tous les autres compartiments. Action requise.

    • Rupture de coque anneau inférieur. Perte d'étanchéité totale compartiment H. Action requise.

    • Centrale froide en cours de redémarrage. Redémarrage dans 428 minutes.

    • Pannes secondaires non prioritaires : 23

    • Pannes mineures non prioritaires : 108

       

    Il me restait donc la question des ruptures de coque à laquelle j'allais devoir m'atteler en prioritéJ'ai donc décidé de m'équiper de ma combinaison pour aller faire un tour d'inspection des compartiments dépressurisés, et accessoirement pour aller chercher ce que les Ours avaient laissé dans le hangar.

     

    J'ai commencé par les compartiments 8 (l'ancienne unité de production de biomasse) et 22 (laboratoire scientifique dans lequel les trois échantillons de substance verte avaient été placés). Nous n'en avions pas la preuve sur les vidéos, car à ce moment là il n'y avait plus d'alimentation, mais il semblait bien que la substance verte « active » au moment de la coupure se soit échappée au début de l'attaque des Ours, en traversant la coque.

    Georges avait déjà mobilisé les robots de réparation, ils s'étaient positionnés à l’extérieur de la coque pour boucher les trous, il ne me restait plus qu'à injecter le polymère réparateur, et d'attendre deux heures que le polymère durcisse, avant de pouvoir remettre en pression les compartiments.

    Je me suis ensuite dirigé vers le hangar H de l'anneau inférieur. C'était un autre chantier, vu que la rupture de coque faisait huit mètres de diamètre, et que les robots de réparation n'étaient pas prévu pour boucher un trou de cette taille. J'allais devoir sortir à l'extérieur pour coller des toiles de polymère sur le trou, un peu à la façon d'un sparadrap géant. J'en avais pour deux journées de boulot, au minimum, avant de pouvoir entamer l'injection de polymère réparateur par l'intérieur. 

    Avant de commencer, j'ai décroché le boitier magnétique que l'Ours avait posé sur la cloison, et je l'ai ramené à Georges pour voir ce qu'elle pouvait en tirer.

     

    ***

     

    Trois jours plus tard, les réparations étaient achevées, tous les compartiments de la station était pressurisés. Le module de secours était sur la route du retour, avec Deedee et Misha à son bord, ainsi que les huit membres d'équipage du Vengen III qui avaient survécu à la dépressurisation du cargo. Le cargo était remorqué par le module de secours avec des câbles, sa propulsion n'étant pas réparable vu que sa centrale froide avait été éjectée dans l'espace. Ejectée lors de l'attaque des Ours Polaires que le Vengen III avait subi peu avant celle de Ridgeport. 

    Luna avait également envoyé une navette de secours et deux navettes d'inspection, dont l'arrivée était prévue 68 jours plus tard. Adieu solitude...

    Georges avait analysé le cadeau de départ des Ours. C'était une espèce de boitier contenant des disques magnétiques codés en binaire. Sur ces disques se trouvaient (d'après ce que j'ai pu comprendre) les bases d'un langage centré sur des principes universels de mathématique et de physique. Un didacticiel pour communiquer avec les Ours, en quelque sorte.

    Il n'avait fallu à Georges qu'une dizaine d'heures pour traduire le contenu du boitier, dont le message qui nous était visiblement destiné :

     

    « Votre système solaire est en voie de contamination par le Kaptk. Votre Artefact a été contaminé par le Kaptk. Nous avons procédé a la décontamination de votre artefact, mais la décontamination de votre système solaire ne fait que commencer.

    Pour éradiquer le Kaptk, il faut le priver de la source d'énergie dans laquelle il se niche. Cette source lui sert de vecteur de reproduction. Une fois privé d'alimentation, le Kaptk reprend sa forme de boule verte et est facile à éliminer pendant 73,32 minutes. Il faut pour cela combiner l'émission d'une fréquence comprise entre 127820 et 145988 hertz avec l'application d'une source de chaleur de contact supérieure à 2308°C.

    Le Kaptk s'agrège en boules de 15 à 60 centimètres de diamètre. Passées les 73,32 minutes pendant lesquelles le kaptk est vulnérable, il acquiert une capacité à se nourrir des métaux et est rapidement doté d'une force dévastatrice. Il devient alors quasiment invulnérable. Il est en mesure de se déplacer dans le vide pendant des périodes très longues, à la recherche de niches électriques. Le kaptk est facilement piégeable car il n'est pas très intelligent, bien que doté d'un instinct de survie, comme toute espèce vivante. Il est très important de l'éradiquer avant qu'il ne contamine une planète. Le kaptk est responsable de l'extinction de plusieurs civilisations avancées. Il se dirige souvent vers les systèmes habités par des civilisations avancées. Il y est attiré par les ondes radios qu'elles émettent. 

    Nous sommes les Oruks. Nous sommes en charge de vous aider à éliminer les essaims de Kaptk qui se dirigent actuellement vers votre système, en vous enseignant les techniques d'éradication adéquates. Vous trouverez dans cet appareil tous les plans nécessaires à la fabrication des pièges orbitaux, des bâtons "son / feu" et des détecteurs de kaptk longue distance.

    On ne peut jamais complètement se débarrasser du Kaptk, mais on peut apprendre à maîtriser le danger qu'il représente. »

     

    La suite est connue, l'humanité s'est unifiée pour faire face à la menace du Kaptk, et si le combat contre ce parasite ne sera jamais terminé, le plus gros de la menace semble aujourd'hui passé. 

    Les Oruks, quant à eux, sont repartis en nous laissant un message de paix et de bienvenue dans la communauté galactique. Une communauté galactique dont nous ferons partie dès que nous aurons trouvé un moyen de la rejoindre par nos propres moyens. Dans quelques générations, probablement.

    Je suis devenu célèbre, bien malgré moi, pour avoir été le premier humain présent a bord d'une Station Spatiale contaminée par le Kaptk. Et également pour être l'un des premiers humains à avoir vécu un abordage d'Oruks. La première rencontre enregistrée sur vidéo, c'est surtout ça qui a marqué les esprits. Mon aventure a été souvent adaptée en dramas depuis lors, et je dois dire que je suis souvent représenté sous un jour très flatteur, alors que c'est Georges, mon amie, qui a fait l'essentiel du boulot, malgré son sens de l'humour discutable.

    Je tenais donc à exposer les faits tels qu'ils se sont déroulés. Ce ne sont pas des hommes extraordinaires qui ont conquis notre système solaire ou qui partiront bientôt à la rencontre de nos voisins. Ce sont des hommes, avec leurs qualités, leurs formations et leurs faiblesses. 


    Moi, je me suis juste évanoui pendant une coupure de courant.

    Je ne suis pas un héros.

    Je suis juste un ancien élève de l'EMS qui a appliqué les procédures et suivi les protocoles. 

     

     

    Marcel Demaire, Officier de Maintenance émérite, diplômé de l'EMS.

    Extrait du bulletin d'information de Luna News Four.

     

     

     

    Note du traducteur : « Ljslo solkkk rro » signifie en Oruk « pas très causant » et non pas « ça sent la merde » comme Keny, l'IA de Luna l'avait suggéré lors de la réception du flux vidéo de la station Ridgeport.

     


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  • J'ai repris connaissance dans mon fauteuil du poste de Commandement de la Station Ridgeport. Les lumières étaient revenues, mais je crois que ce sont les messages audios et la sonnerie d'alarme qui m'ont réveillé.

    « Rupture de Coque anneau supérieur compartiment 8, compartiment 22. Dépressurisation totale compartiment 8. Tous compartiments isolés. Action immédiate requise »

    « Rupture de coque anneau inférieur compartiments G et H. Dépressurisation totale compartiment H. Tous compartiments isolés. Action immédiate requise »

     

    Le poste de commandement ressemblait à un sapin de Noël. Une nouvelle alarme générale a alors retenti : 

    «  Rétablissement de la gravité artificielle imminent, accrochez vous aux poignées latérales, ramenez vos jambes au contact direct de la surface bleue. Rétablissement de la gravité artificielle dans 10, 9, 8... »

    J'étais toujours attaché dans mon fauteuil, je ne risquais rien et c'est avec un vrai soulagement que je retrouvais ma sensation de pesanteur à la fin du décompte.

     

    Les messages de rupture de coque continuaient à se répéter. Ce n'était pas la voix de Georges, mais le système primaire, dont j'entendais la voix pour la première fois, qui énonçait les avaries majeures en boucle. La plupart des panneaux de contrôle affichaient « redémarrage en cours » ou « erreur système / action requise » mais sur l'écran principal se trouvait (en rouge évidemment) la liste des avaries classées par degrés d'urgence : 

    Pannes primaires :

    • Modification de la trajectoire de la Station suite à la dépressurisation de plusieurs compartiments : risque imminent de décrochage. Redémarrage en cours du pilote automatique. Estimation pour le redémarrage : 11 minutes. Action requise immédiate du personnel navigant pour stabiliser l'orbite en mode manuel.

    • Ruptures de coque anneau supérieur. Dépressurisation totale du compartiment 8. Fuite du compartiment 22 en cours de repressurisation (pression à 12 % pas de retour à la pression normale possible sans intervention). Tous compartiments scellés. Action requise.

    • Ruptures de coque anneau inférieur. Dépressurisation totale du compartiment H. Fuite du compartiment G en cours de repressurisation (pression 39 %, retour à la pression normale : 9 minutes). Action requise.

    • Traitement de l'air rétabli. Alerte : organismes biologiques inconnus présents dans les systèmes de recyclage. Intervention prioritaire du personnel navigant requise. 

    • Alerte : organismes biologiques inconnus présents dans la station. Mise en quarantaine de la station nécessaire.

    • Panne d'alimentation généralisée d'origine inconnue, tous systèmes. Durée : 14 minutes. Alimentation relancée sur batteries de secours A et B. Capacité électrique 87 %. Autonomie de la station estimée à 73 heures. Gravité artificielle automatiquement rétablie (100 %).

    • Redémarrage de la centrale froide requise. 

    • IA en cours de reboot. Estimation de rétablissement de l'IA à pleine capacité : 13 minutes.

    • Pannes secondaires non prioritaires : 32

    • Pannes mineures non prioritaires : 279

      Envoi automatique du rapport d'avaries à Luna base : fait.

     

    À la lecture du rapport d'avaries, j'ai hésité à me re-évanouir, mais la raison l'a emporté : je paniquerai plus tard.

    J'ai d'abord coupé les alarmes sonores pour retrouver un peu de clarté mentale, ce qui n'était pas forcément une bonne idée puisque aussitôt les alarmes coupées j'ai à nouveau entendu des barrissements d'éléphants asthmatiques à l'extérieur du poste de commandement. Mais j'ai alors choisi de ne pas m'en préoccuper, je me suis détaché de mon fauteuil d'officier de maintenance pour m'assoir dans celui du commandant pilote. Je ne tenais pas plus que ça à m'écraser avec la station sur la surface de Cérès. Surtout si Luna décidait d'imputer la perte de la station sur ma solde d'officier de maintenance. 

    On peut dire beaucoup de choses de l'EMS, mais nous sommes effectivement prêts à affronter toutes les éventualités lorsque nous sortons de cette école. Stabiliser une station spatiale en orbite autour d'une planète naine, suite à une dépressurisation partielle, fait partie des choses qu'un bon officier de maintenance de l'EMS peut faire sans trop de difficultés, même en l'absence d'IA, et même en l'absence de pilote automatique. Il suffit pour cela de réduire ou d'augmenter la propulsion des anneaux inférieurs et supérieurs par à coups, pour compenser les modifications de l'orbite induites par les fuites d'air. Avec un écran de contrôle affichant une représentation schématique de la station en rotation, ça ressemble à un jeu vidéo pour jeunes enfants : il suffit de ramener la station à l'emplacement qu'elle n'aurait pas du quitter et de progressivement la ramener à sa vitesse de croisière. 

    Moins de 3 minutes après m'y être mis, la situation n'était pas tout à fait revenue à la normale, mais le risque de décrochage était réduit à néant (si 0,01 % peut être considéré comme le néant). Encore 7 minutes, et le pilote automatique reprendrait un boulot qu'il n'aurait selon moi jamais dû abandonner. 

    Après ça, dans la liste des priorités, j'ai décidé de ne pas me préoccuper des ruptures de coque : il n'y avait pas de vie humaine en jeu, le matériel présent dans les compartiments dépressurisés était probablement perdu, ça pouvait attendre. J'ai juste stoppé la repressurisation du compartiment 22 (le laboratoire scientifique) afin de ne pas épuiser les réserves d'air. J'irai boucher les trous du compartiment 22 quand j'aurais cinq minutes.

    Si Georges redémarrait bien comme prévu, elle aurait largement le temps de s'occuper du redémarrage de la centrale froide, une opération aussi longue que délicate. 

    C'est pourquoi j'ai décidé d'un commun accord avec moi même de m'occuper des seuls problèmes pouvant mettre en jeu une vie humaine (la mienne), à savoir la contamination du système de traitement de l'air. Et accessoirement des éléphants qui étaient entrés sans frapper, ou plutôt en frappant trop fort. Mon seul problème étant que je n'avais pas d'arme d'un calibre suffisant pour me débarrasser d'un éléphant, qu'il soit asthmatique ou pas. D'ailleurs, il n'y avait pas d'armes à bord de la station, pour la bonne et simple raison que jusqu'à ce jour, personne n'aurait su quoi en faire. Il y avait bien une cellule dans le compartiment médical, pour sécuriser les membres d'équipage dans un état psychotique nécessitant leur isolement, mais je me voyais mal convaincre un éléphant, fut-il asthmatique, de s'y enfermer de son plein gré. Et encore moins d'en enfermer plusieurs, car j'étais à peu près certain qu'il n'était pas possible de faire tenir plusieurs éléphants dans cette cellule. C'est une erreur de conception des concepteurs de la station. Ces gens là n'ont pas fait l'EMS.

     

    Ce sont les réflexions qui me venaient à l'esprit, car au fur et à mesure du redémarrage de la vidéosurveillance, dont les images réapparaissaient les unes après les autres sur les écrans de contrôle, je constatai plusieurs choses : 

    Premièrement, il y avait une navette inconnue et de forme très étrange dans le hangar d’appontage (elle ressemblait à un croisement entre un ananas et une raie manta). Le hangar (compartiment H pour les intimes) était entièrement dépressurisé car son sas n'avait pas été ouvert, mais défoncé. 

    Deuxièmement, il y avait des intrus dans la station, j'en ai repéré trois, puis sept, et j'ai arrêté de compter au douzième. Ce n'étaient pas des éléphants. Ils ressemblaient plutôt à des Ours Polaires en combinaisons spatiales noires. Des combinaisons spatiales dont le casque transparent laissait bien voir leurs grosses têtes poilues toutes blanches, et leurs museaux plein de grandes dents, qui étrangement étaient bleues. Comme on pouvait l'attendre d'Ours Polaires cosmonautes, et donc évolués, ils se déplaçaient sur leurs deux pattes arrières et j'estimais leur taille moyenne à environ deux mètres cinquante. Et eux, ils avaient des armes, de grandes tiges noires dont l'extrémité émettait en continu une petite lueur rouge. Si ces bâtons n'étaient pas des armes, c'était drôlement bien imité.

    Troisièmement, ce n'étaient pas les intrus poilus qui émettaient les barrissements d'éléphants asthmatiques. C'était autre chose. C'était le son émis par des boules d'organismes verts et visqueux lorsque les armes des Ours Blancs les touchaient. Des boules qui cherchaient à s'échapper en rampant dans les coursives, mais pas assez vite. Les Ours faisaient un massacre. 

     

    Courageusement, j'ai décidé de ne pas sortir du poste de Commandement. De toute façon, c'était la procédure.

    Bon c'est vrai, il n'y a pas vraiment de procédure relative aux invasions d'Ours Polaires de l'espace armés, mais une procédure plus générale qui impose expressément de ne pas risquer sa vie inutilement. 

    J'étais toujours en train de regarder la chasse aux boules vertes dans les coursives de la Station avec une espèce de fascination incrédule lorsque Georges, enfin réveillée (cette feignasse), m'interpella : 

    «  - J'ignore comment l'organisme vert a échappé à mes détecteurs internes jusqu'ici, mais je pense savoir comment il a contaminé la station, c'est certainement à l'occasion de la brèche du sas d'accouplage des navettes, il y a six jours.

    - Georges, te voilà enfin ! Diagnostics ?

    - Hormis quelques sous-routines en cours de démarrage, je suis pleinement opérationnelle. Est-ce que tu veux que je redémarre la centrale froide ?

    - Je ne pense pas que ce soit le moment, on va attendre de voir ce qui se passe.

    - Très bien. Les intrus ont envoyé ce qui ressemble à des drones dans les circuits de traitement de l'air. Nous n'avons pas de video à l'intérieur des conduits, mais vu le son qui sort des caissons de traitement, on peut supposer que les drones sont en train de se débarrasser des organismes verts qui s'y trouvent. Et il y a deux des intrus qui s'approchent de la porte du poste de commandement. Oh-oh...

    - Quoi "oh-oh", ça veut dire quoi "oh-oh" ? dis-je en essayant de contenir du mieux possible le début d'une crise de panique.

    - Ils ont une espèce de scanner qui semble en mesure de forcer l'ouverture. Oh-oh...  »

     

    C'est à ce moment là que le sas du poste de commandement s'est ouvert, et que deux Ours Polaires de l'espace sont entrés. Je ne me suis pas évanoui, mais j'aurais bien aimé.

     

     


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  • Cela faisait longtemps que je tenais à présenter ma version des évènements qui se sont déroulés sur la Station Ridgeport l'an passé. Merci à Luna News Four de me permettre la présente mise au point.
    Je n'étais pas encore rentré sur Luna que les médias avaient fait de moi un héros de l'espace, un quasi super héros. La semaine dernière, une grande entreprise a même lancé des figurines à mon effigie, sans mon autorisation. Tout cela n'est pas raisonnable, je suis un homme ordinaire à qui il est arrivé une aventure extraordinaire, voilà tout.
    Voici le récit des faits tels qu'ils se sont déroulés, et vous allez voir qu'il n'y a rien eu d'héroïque dans ce qui m'est arrivé :

     

     

    J'étais sur la Station Ridgeport, en orbite autour de Cérès, depuis 159 jours, dans le cadre de ma mission de maintenance des systèmes. Je venais de dépasser la moitié de ma mission de 300 jours.

    J'étais seul sur la station depuis vingt et un jours, l'équipe de sauvetage étant partie en opération pour secourir un cargo qui avait une avarie moteur à environ 0,78 UA de notre position. 

    Il n'y a rien à signaler de particulier jusqu'à ce 159ème jour : je suis bien entendu resté d'astreinte pendant toute la période pendant laquelle je me suis trouvé seul sur la Station, mais j'ai pris mes quarts de maintenance normalement, laissant Georges, notre IA, en charge de la surveillance continue des systèmes. Je n'ai eu que deux petites crises à gérer pendant cette période : au 141ème jour, j'ai du colmater une petite fuite sur un sas secondaire, le sas d'accouplage des navettes, qui semblait avoir été perforé par une micro météorite. Ça ne m'a pris que deux heures pour repérer la fuite et la colmater. C'est un évènement assez rare dans une station, mais ça n'a rien d'insurmontable pour un officier de maintenance de l'EMS.

    Lors de mon 153ème jour de mission, le système de production de biomasse est tombé en panne. Georges n'a pas pu me donner les causes de la panne. Quand j'ai ouvert le capot du producteur de biomasse j'ai trouvé une substance étrange sur l'intérieur des parois et à l'intérieur de la machine : c'était visqueux, vert et ça sentait horriblement mauvais. Certaines parties mécaniques étaient complètement bloquées par la substance qui s'était solidifiée au contact de certains alliages, ce qui explique la panne. J'ai appliqué le protocole en présence d'une substance inconnue : j'ai prélevé 3 échantillons, je les ai ensuite confinés dans trois boites étanches sous vide. Puis j'ai isolé le producteur de biomasse avec une mousse expansive isolante, et j'ai procédé à la mise en quarantaine de l'unité de production. J'ai en tous points respecté les protocoles de désinfection et j'ai ensuite procédé à la mise au vide de l'unité, en espérant que cela suffirait pour éviter toute contamination des compartiments voisins. J'ai ensuite été mettre en route l'unité de production de biomasse de secours, ce qui m'a pris une demi journée, vu que tout le matériel de secours, encore dans ses emballages d'origine, devait être étalonné et calibré avant sa mise en service. J'ai choisi d'installer l'unité de secours dans le compartiment libre le plus éloigné de l'unité de production de biomasse contaminée. J'ai pris soin de vérifier que tout le matériel était exempt de toute substance anormale avant de mettre l'unité de secours en service.

    Dans les deux cas j'ai transmis un rapport d'incident à la base de Luna. Dans les deux cas les services d'inspection m'ont demandé de très nombreux compléments d'information que j'ai fourni dans les délais impartis (avec l'aide précieuse de Georges, vu que j'étais tout seul pour remplir des rapports de 1200 pages en moins d'une demi heure).

     

    C'est lors de mon 155ème jour de mission que Misha et Deedee, les deux autres membres de l'équipage de la Station Ridgeport partis en mission de sauvetage, ont atteint le cargo minier en perdition, après 17 jours de trajet dans le module de secours.

    J'ai relayé à Luna leur rapport préliminaire : le cargo Vengen III, dont les soutes étaient pleines à craquer d'or, de platine, d'uranium et de tous les autres éléments rares qu'il avait pu extraire dans la ceinture d'astéroïdes, était en panne de propulsion. Ce qui pour la Compagnie Minière Vengen était une grosse source d'inquiétude. Presque aussi grosse que celle relative au sort des douze membres de l'équipage.  La propulsion du cargo minier avait été mise hors service à cause d'une substance inconnue, visqueuse, verte, « avec une odeur de rat mort ». Misha et Deedee pensait pouvoir réparer et remettre le cargo sur la route de retour vers Luna en moins de trois jours. Ils avaient toutes les pièces de rechange nécessaire dans le module de sauvetage. Le plus gros du travail allait être le nettoyage de la propulsion du Vengen III, pour la débarrasser de la substance inconnue. 

    À la lecture de leur rapport, j'ai réalisé que la substance responsable de la panne du Vengen était peut être la même que celle que j'avais trouvée deux jours plut tôt dans notre unité de production de biomasse. J'ai attiré l'attention de la base de Luna sur ce point en relayant le rapport de Misha et Deedee. L'IA de Luna, Keny, connue pour avoir un sens de l'humour assez particulier, a accusé réception de ma transmission de la façon suivante : « Bien reçu. Merci pour cette remarque éclairée sur la similarité des substances vertes. Sans elle, nous aurions pu passer à côté d'une information d'une importance vitale. Bravo ». J'ai souvent eu le sentiment que Keny ne m'aimait pas beaucoup, mais il paraît qu'il est comme ça avec tout le monde. De l'avis général, Keny est un con.

     

    Le 159ème jour de ma mission a démarré comme les autres jours : Georges m'a réveillé à 8h00 (notre heure de station est calée comme toute station extra-terrienne sur l'heure de Luna, ce qui élimine tout problème de fuseau horaire dans l'espace). J'ai pris mon petit déjeuner avant de prendre mon quart, dont la tâche principale était ce jour là de recalibrer les modules de recyclage des déchets organiques, qui étaient une nouvelle fois déréglés. Georges m'a taquiné en disant qu'il fallait que j'arrête de manger des hamburgers, « parce que ces saloperies allaient finir par boucher les chiottes ». Georges est vraiment marrante, elle sait qu'elle est plus maline que moi, mais elle n'est pas condescendante comme peut l'être Keny. J'ai terminé rapidement ma tâche (qui n'était pas bien compliquée) avant de rejoindre le poste de commandement. J'ai pris connaissance des rapports journaliers sur l'état de la Station ; il n'y avait rien de particulier, hormis une panne d'éclairage dans la soute, que Georges m'avait déjà signalée pendant mon intervention sur les modules de recyclage. J'hésitais entre prendre mon repas de midi et réparer tout de suite cette panne d'éclairage, quand un rapport d'urgence du module de sauvetage est arrivé à 11h49, avec un code rouge / noir, c'est à dire un code d'alerte maximale. Je n'ai pas eu le temps de prendre connaissance du contenu du rapport, tous les systèmes de la Station sont simultanément tombés en panne : Georges, la gravité artificielle, l'alimentation électrique, même les batteries de sauvegardes. Je me suis retrouvé dans le noir, en apesanteur et sans éclairage de secours. Tout seul.

     

    On nous apprend beaucoup de choses à l'École de Maintenance Spatiale : on nous apprend par exemple que la probabilité d'une défaillance simultanée de tous les systèmes d'une station (hors explosion d'une supernova à proximité immédiate, ce qui témoignerait d'un manque de jugeote assez inquiétant des navigants) est tellement proche de zéro qu'il est admis de dire qu'une telle survenance est impossible. L'alimentation du poste de commandement de la station Ridgeport est conçue comme tout équipement spatial digne de ce nom. Il est conçu selon le système dit des 7 redondances : tous les équipements étaient reliés à 7 blocs d'alimentation indépendants, alimentés par 7 circuits électriques indépendants, tous reliés à des transformateurs eux même alimentés par des sources d'énergies indépendantes les unes des autres (une alimentation principale via la centrale froide, une alimentation secondaire via le générateur de gravité, une alimentation directe via panneaux solaires, un accumulateur d'électricité statique, et 3 batteries de secours indépendantes, dont deux normalement dotées d'une autonomie de plusieurs semaines).

     

    La devise de l'EMS est « être prêt à tout, même à l'impossible » et pendant notre formation nous sommes souvent mis dans des configurations théoriquement très improbables. J'ai donc immédiatement appliqué le protocole en vigueur en pareille circonstance : j'ai bouclé la ceinture de sécurité de mon fauteuil et j'ai attendu les secours. De toute façon, il n'y avait rien d'autre à faire, à part  appuyer régulièrement sur le bouton d'urgence sensé redémarrer les systèmes en cas de panne. Un bouton dont l'utilité reste encore à démontrer. En cas de panne d'alimentation générale, les portes de tous les compartiments de la station sont scellées et impossibles à ouvrir. Tout déplacement dans la station est voué à l'échec, les portes ne peuvent pas être ouvertes manuellement tant que l'alimentation n'est pas rétablie. J'avais accès au bloc sanitaire du poste de commandement, aux rations d'urgences qui étaient stockées dans chaque compartiment dans l'hypothèse improbable d'une telle panne générale. Il ne me restait qu'à attendre qu'une équipe de sauvetage atteigne la station. Ça allait être long : les secours les plus proches (Mars City) se trouvant tout de même à une quarantaine de jours de trajet. Surtout sans recyclage d'air. J'ai essayé de calculer de quelle autonomie en oxygène je disposais dans le poste de commandement, mais après plusieurs calculs qui ne m'étaient pas favorables j'ai décidé que les résultats n'étaient pas concluants.

     

    J'ai passé plusieurs minutes dans un noir absolu, en me demandant ce qui avait bien pu se passer, et ce que j'allais bien pouvoir faire pour sauver ma peau.  Sans Georges pour me donner des pistes de réflexion, je dois avouer que je n'avais pas beaucoup d'idées. Je me suis bien entendu inquiété du sort de Georges, que je considère comme mon amie, même si c'est considéré comme de la sensiblerie indigne d'un Spatial.

    Je dois avouer que je n'étais pas loin de la crise de panique lorsque j'ai commencé à entendre des bruits en dehors du poste de commandement. C'était un peu tôt pour avoir des hallucinations. Pourtant j'entendais bien des sons : des sortes de crissements métalliques, des bruits de tôle froissée, et ce qui ressemblait à des barrissements d'éléphants asthmatiques. La probabilité qu'une bande d'éléphants asthmatiques soit en train de défoncer les portes des compartiments de la station me semblait assez faible, mais j'étais dans l'incapacité d'imaginer une autre hypothèse. 

    À l'EMS on nous apprend à ne pas paniquer, et surtout à identifier les symptômes des crises de panique afin de pouvoir s'auto-prescrire des anxiolytiques en cas de besoin. Des anxiolytiques qui se trouvaient à trois portes hermétiquement fermées de là, dans la section médicale. Je faisais donc de mon mieux pour suivre les consignes anti-anxiété (prendre de grandes inspirations, faire le vide dans mon esprit), mais j'avoue que j'avais du mal. J'avais surtout tous les symptômes (respiration difficile, vertiges, palpitations, nausées, crispations musculaires, tremblements, douleurs dans la poitrine, sueurs froides), et même des symptômes qui n'étaient pas répertoriés officiellement et sur lesquels je préfère ne pas m'étendre.

    Je crois que j'étais sur le point de m'évanouir lorsque la station a explosé. Et c'est à ce moment là que je me suis évanoui.

     


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  • Sous un ciel vert-de-gris

    L'océan est démonté.

    Une baleine bleue surgit,

    Tout le monde retourne bosser.

     


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  •  

    Deux chats dans une boite,

    L'un griffe, l'autre mord.

    Deux chattes dans un bois,

    L'une en mode furtif, l'autre dort.

     

    Sous la lumière des néons, 

    Au son de la grosse caisse

    Se battent Marcel et Léon,

    Pour une histoire de fesses.



    À la lueur des étoiles,

    Dans la forêt ou règne le silence,

    Pour l'amour d'un mâle,

    Lindsey se jette sur Clémence.



    Marcel aimait Lindsey, Clémence aimait Léon,

    Mais un jour Marcel aima Clémence :

    Léon se transforma en lion,

    Lindsey fut prise de démence.



    Moralité :

    S'il n'est pas facile de mettre un chat en boite, 

    La chatte abandonnée au bois 

    Se retrouve souvent dans une position délicate.

     

     

     


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  • Au petit Bamou D., élève de 6ème B du collège François 1er de C./Loire : ça ne se fait pas de pomper un poème sur un blog pour se l'attribuer.

     

    Au Professeur de Français du petit Bamou D., Madame Marie-Laure L. du collège François 1er de C./ Loire : que vous n'ayez pas aimé le poème du petit Bamou D. soit, mais de là à ne pas lui mettre la moyenne et à défigurer sa copie au feutre rouge d'un "texte immature - vous n'êtes plus en CM2" franchement il y a de l'abus. Vous voudriez détruire la fibre artistique du petit Bamou D. que vous ne vous y prendriez pas autrement.

     

    À la société des gens de lettres, non merci, je ne souhaite pas porter plainte contre le petit Bamou D., cela risquerait de porter atteinte à la bonne réputation de mon oeuvre.

     

    Les aléas du direct. Volume IV

     


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  • 1-

    Attraper les bêtes échappées de l'enclos.

    2-

    Pendre un voleur de bétail ou toute autre personne à l'air malhonnête repérée à proximité des bêtes échappées.

    3-

    Kidnapper son futur époux / sa future épouse, de préférence au sein d'une peuplade dans laquelle se pratique cette coutume.

    4-

    Suspendre ses provisions à un arbre et ainsi éviter qu'un ours vienne les voler au cours de la nuit, gâchant ainsi un formidable week end en pleine nature avec votre époux / épouse.

    5-

    Attirer un ours avec des provisions attachées à un arbre dans le but de tuer l'ours, le manger, et de vendre sa peau au retour d'un week end qui aura au moins servi à ça.

    6-

    Suspendre son époux / son épouse à un arbre, dans le but d'attirer un ours et de résoudre concomitamment tout un ensemble de problèmes.

    7-

    Tenter de s'échapper du quatrième étage du tribunal par la fenêtre, en ayant pris soin d'accrocher au préalable son lasso à l'espagnolette de ladite fenêtre. (Le tribunal pouvant être situé ailleurs qu'en Espagne)

    8-

    Se faire pendre, après avoir obtenu du tribunal que la pendaison soit réalisée avec le lasso auquel vous accordez une forte valeur sentimentale.

    9-

    Servir d'exemple à la population sur les mauvais usages du lasso et leurs conséquences.

     

     

    La preuve par Neuf, tome III 

     


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  • Les pillards ne parvenant pas à trouver le Fort à cause du brouillard, l'attaque n'eut pas lieu.

     

     


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  • Il n'est jamais arrivé que des choses incroyables à Maximof Khourse.

    Déjà, pour commencer, par un hasard extraordinaire, il nait le jour même de son anniversaire.

    Par la suite, les évènements improbables s'enchainent :

    Il n'a pas encore deux ans qu'il sait marcher, et il débute l'école alors qu'il a à peine trois ans.

    À 5 ans, il maitrise le téléphone de ses parents, et est encore à ce jour le détenteur du plus long appel au Cambodge jamais enregistré par un opérateur francophone.

    À 7 ans, internet n'a plus aucun secret pour lui. Ses parents le privent d'accès à internet pendant 4 ans, sans imaginer qu'il y accède en cachette avec son téléphone portable.

    À 10 ans, il bat à plates coutures ses oncles et tantes à tous les jeux vidéos qui lui tombent sous la main. Certains d'entre eux crient au génie.

    À 11 ans il intègre le collège le plus prestigieux de sa ville.

    À 13 ans, il arrive à mettre ses chaussettes tout seul, les yeux bandés (et dans le noir).

    À 15 ans il intègre le lycée Technique le plus réputé de la ville. Le seul, certes, mais le plus réputé quand même.

    À 17 ans il obtient haut la main un diplôme d'état lui permettant d'exercer le métier prestigieux de serrurier et commence immédiatement à travailler pour son maitre d'apprentissage. 

    À 19 ans, il s'engage dans l'armée de Terre pour 5 ans, au sein de laquelle on le forme au maniement des explosifs.

    À 22 ans, il participe à ses premiers combats, contre des djihadistes touaregs. Blessé de huit balles au fessier (dans des circonstances mal élucidées), il est démobilisé et retourne peu de temps après à la vie civile, puis sombre dans la drogue (molle, mi-dure et dure).

    À 23 ans, il participe à son premier braquage de fourgon avec ses amis Momo dit « la Chiche » et Pascalino dit « le Cric ». Il gère mal la charge explosive destinée à percer le blindage. L'explosion précipite le fourgon blindé au delà du parapet du pont sur lequel il avait été intercepté et le précipite dans la Seine (ainsi que Momo « la Chiche », emporté au passage). Les trois convoyeurs de fonds du fourgon et Momo « la Chiche » meurent noyés. Maximof devient « Le Dingo ».

    À 26 ans, après 8 attaques de fourgons blindés (dont 5 réussies), « Le Dingo » est arrêté par le GIPN dans un appartement de la rue Vaugirard dans lequel il vivait sous une identité d'emprunt. Il est condamné 18 mois plus tard à 25 ans de prison pour l'ensemble de son œuvre.

    À 41 ans, il sort de la prison de la Santé sous contrôle judiciaire, grâce à l'emploi de serrurier que lui a fourni Pascalino « Le Cric ».

    À 43 ans, dès la fin de son contrôle judiciaire, « Le Dingo » commence à cambrioler tous les appartements et les hôtels particuliers pour lesquels il est intervenu au cours des deux années précédentes en qualité de serrurier dépanneur d'urgence. (Chez AAAAS les Associés Artisans Astucieux et Aimables de la Serrurerie)

    À 45 ans, il est interpellé au petit matin par la PJ de Versailles au domicile de l'ex-femme de Momo « la Chiche » pour répondre de trente huit cambriolages. Il est condamné à 8 ans de prison après 6 mois de préventive.

    À 46 ans, il s'évade la prison de la Santé avec huit Djihadistes, en faisant exploser successivement 6 murs, dont le mur d'enceinte, avec des explosifs artisanaux essentiellement constitués de produits d'entretien et de cafards réduits en poudre. Huit gardes sont plus ou moins décapités au cours de l'évasion, certains avec des couteaux à beurre.

    À 50 ans, devenu artificier en chef d'un important groupe terroriste, il figure sur la liste des « most wanted » du FBI, qui lui impute la mort de 769 personnes, directement ou indirectement. Ses laboratoires, situés dans les montagnes Afghanes, sont pris pour cible par un drone Britannique. Il perd trois doigts et deux jambes dans l'explosion qui s'en suit mais il survit par miracle, après vingt trois opérations dans une clinique vétérinaire d'Islamabad.

    À 52 ans, il se présente en chaise roulante, le soir du Réveillon de Noël, devant le domicile de sa famille, richement éclairé de guirlandes électriques. Il est accompagné de deux gardes du corps armés de fusils d'assaut. Après avoir été invité à entrer du bout des lèvres, il accepte une coupe de jus d'orange qu'il boit dans un silence de mort, sous les regards effarés de jeunes enfants terrorisés qu'il ne connait pas. Puis il quitte les lieux avant l'arrivée de la police, non sans avoir récupéré sa collection de petites voitures et sa vieille Xbox avant de partir.

     

    À ce jour, on suppose qu'il se trouve quelque part au Sahel. Il aurait ouvert une école. La plus réputée de la région pour l'apprentissage de la confection de ceintures d'explosifs.

     

    Sa famille ne se réunit plus à date fixe pour Noël.

     


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  • Je suis né entouré de robots, dans ce qui s'appelle désormais l'âge d'or de la robotique, quelques générations après la pandémie noire et le début du grand isolement.

    Ma nourrice était un robot, mon percepteur était un robot, mes camarades de jeu étaient des robots, mes instituteurs, mon coiffeur, mes docteurs étaient des robots ou des hologrammes.

    Durant toute mon enfance je n'ai vu d'autres enfants que par le truchement d'une VR. Les seuls humains que j'ai pu toucher étaient mes parents et mes frères. Mais avec la différence d'âge je préférais jouer avec mes robots, qui étaient programmés pour me me laisser gagner si je faisais suffisamment d'efforts pour les battre.

    Mon premier mot a été pour ma nourrice. Mes premiers pas n'ont eu pour seuls témoins que Charly et Oscar, deux de nos robots majordomes. Bien entendu ils ont retransmis l'évènement en direct via VR à mes parents, qui étaient au travail. Mais tout de même.

     

    Pendant toute ma formation d'ingénieur, je n'ai rencontré mes camarades étudiants que dans des espaces virtuels, dans les amphis d'abord, puis en sessions VR privées. J'ai réussi à créer des liens d'amitiés très forts avec quatre d'entre eux, au cours de nos cinq années d'études communes. Loomis était un Américain de Denver, Jen était une Canadienne de Vancouver, Thabali était un Camerounais résidant à New Dehli et Oki était un Japonais vivant à Kyoto. Nous nous retrouvions après les cours en VR, n'importe où dans le monde, dans des cafés, des clubs de nuit ou des bibliothèques, selon nos besoins. Notre endroit préféré pour travailler nos cours était une pagode sur une plage Polynésienne déserte qui était devenue au fil du temps notre lieu à nous. Aujourd'hui il m'arrive encore de m'y rendre pour travailler ou pour me laisser bercer par le son des vagues. Mes amis ne peuvent plus m'y rejoindre. Depuis la guerre, il n'y a plus de réseau commun, ni le Japon ni l'Inde n'ont accès à mes VR. Pour avoir des nouvelles d'Oki et de Thabali, il faut que je passe par l'antique technologie du mail. Loomis et Jen, eux, sont morts dans le déluge nucléaire qui a anéanti toute l'amérique du Nord il y a cinq ans, lors de l'attaque Rigelienne.

     

    Nous avons partagé tant de choses ensemble ! Nous avons vécu ensemble l'arrivée de la sonde Hawking III sur Proxima 7 en VR. La découverte des animaux incroyables de cette planète a été un vrai choc, même si les experts étaient quasiment certains depuis très longtemps que cette planète abritait la vie. Mais voir en direct un Bélophon de 70 mètres de long surgir de la surface de l'océan pour avaler des poissons volants de la taille d'un autoglisseur, c'est tout de même autre chose. C'était la première vie organique multicellulaire découverte hors du système solaire ! Bon en direct avec le décalage des 4,2 années de transmission du signal radio, certes, mais en direct quand même.

    Avant la VR, avant la quarantaine, lorsqu'un événement important se produisait on se souvenait du lieu dans lequel on se trouvait à ce moment précis. Aujourd'hui, nous nous trouvons toujours dans le même lieu, chez nous. On se souvient désormais avec qui on à vécu des moments importants. Mes parents m'en ont d'ailleurs beaucoup voulu, à l'époque, d'avoir vécu ce moment historique avec mes amis plutôt qu'avec eux.

     

    Aujourd'hui nous vivons sans robots. Depuis que les Rigeliens ont pris le contrôle de nos robots en nous envoyant un méta-virus avec leur signal laser et qu'il ont failli détruire l'humanité, nous avons perdu confiance dans cette technologie. Certains fabricants tentent bien de nous convaincre de la totale sécurité de leurs nouveaux modèles, ça ne prend pas. Lorsque vous avez vu votre nourrice écarteler un de vos frères, faire à nouveau confiance à un androïde, c'est compliqué. Après que nous soyons parvenus à détruire tous les robots hackés par les Rigeliens et reprendre le contrôle de nos réseaux, il a fallu détruire tous les robots qui n'avaient pas agi contre les humains, mais qui pouvaient abriter des virus Rigeliens dormants. J'ai démantelé moi même Oscar, Charly et tous mes anciens camarades de jeu, que le virus Rigélien n'avait pas trouvé assez dangereux pour daigner en prendre le contrôle.

    La décision gouvernementale d'autoriser le remplacement les robots par des clones serviteurs n'a pas reçu l'aval d'une bonne partie de la population. Mes parents refusent d'utiliser des humains pour remplacer nos robots. Du coup, mon frère restant et moi avons du apprendre à faire des choses inimaginables, comme nettoyer les sols, cuisiner, laver le linge, réparer les choses cassées. Ça n'a pas été facile au début, mais on s'y fait.

     

    Selon les estimations des experts, les forces robotisées Rigeliennes devraient atteindre notre système solaire d'ici quarante à soixante ans, compte tenu de la distance entre nos deux étoiles et des informations recueillies par la sonde Hawking IX sur leurs technologies. Nous avons largement le temps de bâtir une armée de clones soldats pour les combattre, à conditions qu'ils ne prennent pas la décision de nous anéantir depuis l'espace. Pour pallier cette éventualité, nous construisons une flotte de vaisseaux d'interception furtifs, qui auront pour mission d'intercepter les vaisseaux Rigeliens à leur arrivée dans le système solaire. C'est mon travail, je suis ingénieur dans la société qui conçoit les vaisseaux, je suis spécialisé dans la furtivité spatiale. J'espère que je serai encore là pour voir les Rigeliens arriver, je pourrai ainsi voir les vaisseaux dotés de la technologie furtive Jen-Loomis les annihiler. 

    Mais fort heureusement, je ne serai plus là pour voir notre flotte d'attaque atteindre Rigel, dans 223 ans. Il y a des choses que je préfère éviter de voir, même en VR. 

     


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  • Toi là, le petit gros,

    Toi avec tes pieds plats,

    Toi le bigleux miro

    Aux pantalons qui grattent,

    Au physique ingrat,

    Aux cheveux de corbeau

    Et aux pieds en Gouda,

     

     

    Ton destin sera merveilleux.

     

     

    Très tôt tu éviteras les pierres,

    Les coups de pieds et les crachats

    Très vite tu t'endurciras,

    Tu prendras de l'épaisseur,

    Tu deviendras un murmure,

    Tu éviteras les rancoeurs,

    La solitude sera ton armure,

     

     

    Ton destin sera merveilleux.

     

     

    Tu te rapprocheras

    Des plus inadaptés que toi,

    Pour en faire tes boucliers.

    Roi des manoeuvres d'évitement,

    Inoffensif chez les nuisibles,

    Tu deviendras si doué

    Que tu en seras invisible,

     

     

    Ton destin sera merveilleux.

     

     

    Revers de la médaille,

    Les filles, tu t'en doutes bien,

    Tu les regarderas de loin.

    Tu pourras toujours rêver,

    Mais garde toi de les approcher,

    Si tu franchis cette muraille

    Adieu à l'invisibilité.

     

     

    Ton destin sera merveilleux :

    Tu seras seul, mais tu seras heureux,

    Surtout si tu deviens aveugle et vieux.

     

     


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  • Au petit jour sonne l'alarme.

    Le dormeur sèche ses larmes,

    Il se lève comme un charme

    Et se dirige vers sa voiture.

     

    Dans la cour trois tristes voleurs

    Tentent d'en démarrer le moteur

    Pour rejoindre la ville d'Honfleur,

    Où ils veulent prendre une biture.

     

    L'ex-dormeur se saisit d'une arme,

    Un couteau à jambon de Parme,

    Et tout ça finit chez les gendarmes,

    Après la pose des points de sutures.

     

    Moralité :

    Non seulement le jambon est mauvais pour la santé 

    Mais il peut également vous y conduire.

     


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  • Rapport Confidentiel

    Renseignements des Neuf Royaumes

     

    Des nombreuses familles de Hobbits se sont soulevées dans les neufs royaumes ce Sardi. À cette heure nous ignorons comment ils ont coordonné leurs actions.

    Habituellement calmes, ces Hobbits ont bloqué la plupart des axes de circulation pour transmettre à la population des villes leurs revendications.

    Leurs motivations sont essentiellement pécuniaires, ils veulent qu'on leur rende leurs sous. Ils n'acceptent pas les récentes hausses de l'avoine et encore moins la nouvelle taxe sur le picotin. La limitation de la vitesse des charrettes à une lieue à l'heure décrétée au début de l'été semble également avoir fortement attisé leur colère.

    Certains d'entre eux, moins pourvu en cellules grises que la majorité des autres ont tenté d'arrêter des diligences de marchandises en se jetant au sol devant les chevaux. Avec des résultats mitigés.

    Sur les barrages, ils se sont montrés particulièrement virulents vis à vis des non-Hobbits (surtout ceux originaires de contrées lointaines), des sorcières dépourvues de balais, des couples non mixtes et des agents des Neufs Royaumes (ceux de la Poste Royale en particulier). Et ce alors que l'une de leur revendication annexe était qu'ils manquaient de Postiers Royaux.

    À cette heure la liste de leurs revendications annexes n'a pas pu être formalisée. Les réserves de papier de nos services sont insuffisantes pour les retranscrire et les livraisons de papier sont interrompues par les blocages en cours.

     

    Au sein du service, les avis sont partagés. La plupart des agents sont persuadés que les Hobbits vont finir par rejoindre leurs foyers une fois leurs besaces vidées.

    Nous sommes cependant quelques uns à penser qu'une ouverture précoce de la chasse aux Hobbits pourrait accélérer la dispersion des manifestations. Après tout c'est une race en voie de disparition dont le caractère nuisible n'est pas contesté.

     

    Agent centralisateur du Troisième Échelon Yves Hacéssur.

    Renseignements des Neuf Royaumes.

     


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  • Marcel est chez moi depuis déjà quelques années. C'est un fidèle serviteur.

    Il ne prend pas beaucoup de place, il reste dans son coin, ne fait pas de bruit tant qu'il ne se met pas au turbin.

    Marcel n'est pas causant, il ne dit jamais rien. Il ne répond pas lorsque je lui pose une question ou que je l'enguirlande suite à l'une de ses nombreuses facéties. C'est vrai qu'il aime bien me faire des farces, déplacer des objets sans que je lui demande, ou taquiner le chien avec obstination.

    Parfois, lorsqu'il est épuisé d'avoir oeuvré toute la journée dans la maison, il s'assoupit dans des endroits incongrus et je n'ai pas le cœur à le réveiller. Je le prends dans mes bras et je le ramène dans sa chambre.

     

    Marcel a des qualités, mais il a aussi des défauts. Par exemple, il ne sait pas faire caca tout seul. Je dois moi même aller récupérer tout un merdier dans son ventre à chaque fois qu'il commence à devenir tout rouge. Avec mes doigts. Sinon il ne bouge plus et refuse obstinément de faire son boulot.

    C'est vrai, Marcel me tient compagnie pendant les longues soirées d'hiver. Mais parfois j'ai des doutes. Est il taquin ou moqueur ? Bienveillant ou sournois ? Je me demande parfois si je ne lui donne pas trop de crédit. Le mutisme est souvent interprété comme un signe de grande richesse intérieure, notamment chez les Moines, qu'ils soient Tibétains ou Bénédictins. Je me demande bien si ça ne serait pas plutôt le moyen de dissimuler une grande pauvreté intellectuelle. Si ça se trouve, Marcel est con comme un balai.

    Ça ne serait pas si étonnant que cela pour un robot aspirateur.

     

    Les Questionnements Philosophiques du Bidet, tome XXIV


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  • Clarification de la classification des Orcs

     Fiche de Synthèse
    "Révolution de 127 du Duché d'Anjoufeu"

     

    Il existe un consensus des historiens pour faire du fameux décret Ducal du troisième Sardi de Pluviôse 127 le fait générateur de la révolution dans ce Duché.

     

    Ce décret anti-sécheresse, qui prévoyait le sacrifice de jeunes enfants dans tout le Duché, fut très mal accueilli par la population, surtout par les mères d'enfants bigleux, baveux, simplets, morveux, boiteux, bègues ou aux pieds plats. Il faut dire que selon les archives de l'époque cela concernait la grande majorité des mères du Duché.

     

    Le second élément déclencheur, qui mit vraiment le feu aux poudres, a été l'obligation pour chaque village de faire l'acquisition d'un cuir de dromadaire, la Fédération des Marchands de Dromadaire ayant multiplié par 150 le prix de ses cuirs la veille de la promulgation du décret.

     

    Trois jours après la promulgation du décret, c'est sous une pluie diluvienne que le Palais Ducal fut pris d'assaut et mis à sac par une foule de mères en colère, armée de fourches et de bâtons. Le Grand Duc fut jeté du haut des remparts, il fallut trois jours pour rassembler tous ses morceaux, (mais ses attributs virils ne furent jamais retrouvés.)

     

    La République fut promulguée huit jours plus tard. Depuis lors, le Duché d'Anjoufeu alterne entre République et renouveau Ducal (huit changements de régime depuis cette révolution).

     

    Cette révolte a eu d'autres conséquences :

     

    • Au cours des émeutes qui suivirent la prise du Palais Ducal, les Marchands de Dromadaires furent systématiquement exterminés par les émeutiers. Aujourd'hui, plus personne ne consomme de Dromadaires dans le Duché d'Anjoufeu et l'animal prolifère en liberté, ce qui a attiré dans la région plusieurs Dragons.

    • Les Sorcières Pacifiques d'Anjoufeu ont discrètement biffé de leurs grimoires certaines potions nécessitant des ingrédients rares, (comme les larmes d'enfants bigleux pendus, la bave de jeune Paysan enterré vivant, ou la morve de simplet.)

    • Le retour des pluies a été attribué à la révolution. C'est la raison principale de l'instabilité politique du Duché depuis lors. À chaque début de sécheresse il n'est pas rare de voir les dirigeants du Duché préparer leur exil.

    • Le Duché d'Anjoufeu est désormais réputé pour sa richesse culturelle. Nombre de jeunes paysans peu avantagés par la nature ont démontré après la Révolution des aptitudes certaines pour l'architecture, la peinture, la musique, le chant, la sculpture ou la mosaïque. Cette tradition perdure depuis lors, et le Duché d'Anjoufeu est devenu un haut lieu culturel des Neuf Royaumes.

    exemple de mosaïque post-révolutionnaire du Duché d'Anjoufeu

     

     

    Fiche de synthèse établie par Anaskri Bouillard, Archiviste Royal.

     

     


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  • Duché d'Anjoufeu

    Décret du Grand Duc relatif aux mesures à mettre en place dans chaque village pour le retour de la pluie.

     

     

    Nous, Alfonse Thoudroy, Grand Duc d'Anjoufeu, décrétons :

     

    La sécheresse qui règne depuis deux années sur notre beau Duché n'est pas naturelle. Après consultation des augures il est désormais établi que cet événement est lié à un sort de sécheresse majeure qui a été infligé à notre beau Duché, très probablement à l'instigation d'une puissance étrangère hostile.

    Pour contrecarrer ce sort, des sacrifices sont nécessaires.

    Dans chaque village, on pendra donc un enfant par les pieds à la plus haute branche de plus bel arbre du pays, jusqu'au retour de la pluie.

    L'enfant sera Humain ou demi-sang Humain. Il devra être âgé de 3 à 12 ans, de sexe masculin. Il sera idéalement bigleux, baveux et simple d'esprit. Dans le cas improbable où le village ne disposerait pas d'un tel profil parmi ses habitants, le sacrifié pourra à titre dérogatoire et subsidiaire être bègue, morveux, avoir les pieds plats ou être boiteux des deux jambes.

     

    Instructions complémentaires :

     

    • Le sacrifié devra rester en place un minimum de trois jours après le retour de la pluie.

    • Que le sacrifié soit vivant ou non à l'issue des trois jours suivant le retour des pluies, il conviendra de l'enterrer à même la terre au pied de l'arbre, en prenant soin de le recouvrir d'une peau de dromadaire et d'attacher à son poignet une outre remplie d'eau.

    • Afin d'éviter toute protestation de la population, la famille du sacrifié sera compensée de 12 ducats d'argent, somme nettement supérieure à la valeur de l'enfant.

    • Pour ne pas déclencher un effet d'aubaine, le village se limitera à un unique sacrifice. En l'absence de pluie un mois après le sacrifice, un sénéchal dument mandaté par le Grand Duché viendra constater l'absence de pluies et autorisera un second sacrifice.

    • Les sorcières, potionneurs et mages locaux sont autorisés à récupérer les humeurs du sacrifié en disposant au sol, à l'aplomb du pendu, gamelles, seaux ou cuvettes d'une dimension ne devant pas excéder deux pieds de côté. Ceci sous réserve de l'acquittement d'une taxe Ducale d'un ducat d'argent par contenant. Un registre correspondant à la taxe sera ouvert en bonne et due forme par le chef du village et sera tenu à disposition du Questeur Ducal, celui ci pouvant procéder à tout moment aux contrôles inopinés inhérents à sa fonction.

    • En cas de décrochage naturel du pendu, par décomposition ou rupture de la corde, le chef du village jugera de l'opportunité de rependre le sacrifié ou de procéder à l'enterrement selon la procédure détaillée ci dessus, en fonction de l'apparition ou non des pluies attendues.

    • À la discrétion du chef de village, une journée de réjouissance pourra être accordée aux villageois le jour de la pendaison et le jour de la mise en terre.

    • Les villages de moins de 50 âmes sont autorisés à se regrouper pour la mise en place de ce décret. Dans ce cas, la pendaison devra se faire avec un arbre situé à égale distance des villages qui feront le choix du regroupement.

    • Tout village n'ayant pas appliqué le présent décret dans le mois suivant sa promulgation sera réduit en cendres.

     

     

    Fait le troisième Sardi de Pluviôse de l'an 127.

    Alfonse Thoudroy, Grand Duc d'Anjoufeu

    Pour application immédiate.

     


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  • Duché d'Anjoufeu

    Trésor du Duché

    Maître Hétalon, Grand Argentier du Duché d'Anjoufeu.

     

    Courrier urgent aux bons soins de Flaminou Express à :

     

    Flaminou Consulting Group.

    Monsieur le Directeur

    Bureau des Affaires Confidentielles

    2, Place Royale

    Royaume de Devérolie.

     

     

    Cher Monsieur,

     

    Vous trouverez ci dessous quatre problèmes soulevés par des associations reconnues du Duché d'Anjoufeu :

     

    Problème des Sorcières Pacifiques d'Anjoufeu. (SPA)

    La SPA est à court d'ingrédients rares nécessaires à la production mensuelle de la commande de filtres de vigueur de notre Grand Duc. Il conviendra de trouver une solution pour leur procurer ces ingrédients (liste jointe en annexe).

     

    Problème de la Fédération des Marchands de Dromadaires. (FMD)

    Suite à l'autorisation de la mise sur le marché des cuirs de Licornes des Royaumes voisins, les ventes de cuirs de dromadaires se sont effondrées, ce qui génère des stocks immenses dont la FMD ne sait que faire. Elle a par ailleurs alerté le Trésor du Duché sur les risques de non paiement des taxes Ducales lors de la prochaine échéance, la trésorerie de ses membres étant très entamée.

     

    Problème de la Fédération des Paysans D'Anjoufeu (FPA)

    La FPA a attiré l'attention du Grand Duc sur la sécheresse qui sévit actuellement depuis deux ans et demande un report de paiement des taxes des Paysans d'Anjoufeu d'un semestre au moins, tant que les pluies ne seront pas revenues.

     

    Problème de l'Association des Chefs de Village d'Anjoufeu (ACVA)

    L'ACVA a attiré avec toutes les formes requises l'attention du Grand Duc sur les conséquences du droit de cuissage exercé par le Grand Duc lors de ses visites aux villages de son duché. L'ACVA demande au Grand Duc de prendre en charge sa descendance masculine, celle ci étant globalement inapte aux travaux des champs et couteuse en nourriture.

     

     

    Non traités, ces différents problèmes risquent de susciter des révoltes contre l'autorité du Grand Duc.

    Merci d'imaginer une solution populaire et élégante à tous ces tracas et de nous la soumettre sous 8 jours. Vous trouverez en pièce jointe copie de votre devis accepté par le Trésor du Duché.

    Dans l'attente de vous lire,

     

    Maître Hétalon,

    Grand Argentier du Duché d'Anjoufeu.

     


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  • Dans une contrée désolée, obscure,

    Humide, désertée par la lumière,

    Un moine en robe de bure

    Arpente étangs, ruisseaux et rivières.

     

    Il y cherche une fleur très rare,

    Que d'aucuns considèrent introuvable,

    La fameuse Nymphe du Barbare,

    Base de nombreuses potions inavouables.

     

    Il est là depuis des années.

    Certains chasseurs l'ont aperçu,

    Sale, hirsute, dépenaillé,

    L'air hagard, comme perdu.

     

    Ces chasseurs, le moine ne les voit pas,

    Les yeux fixés au sol,

    Il cherche la Nymphe Barbara,

    Ne la trouve pas et se désole.

     

    Il a juré à ses frères

    De ne pas rentrer au monastère

    Avant d'avoir trouvé

    Cette plante tant désirée.

     

    Malheureusement il ne sait pas à quoi cette plante ressemble.

    On lui a juré qu'il la trouverait à l'ombre des trembles,

    À l'orée des Forets ou sur la berge des rivières,

    À proximité des marais ou à l'ombre des conifères.

     

    Sa fleur est bleue, jaune, rouge, ou blanche,

    Conique, ronde, carrée ou rectangle,

    Elle ne fleurit que le Dimanche,

    Ou le Samedi, question de tige et d'angle.

     

    Le moine se nourrit de crapauds,

    Dort dans des souches pourries,

    Pour se désaltérer, il n'a pas de pot,

    Il boit de la pisse de chauve souris.

     

    Tout cela pour incorporer la plante

    À une recette séculaire de bière,

    Histoire de créer une nouvelle rente

    Au profit de son bien aimé Monastère.

     

    Après bien des années de recherche,

    Assis au bord d'une petite mare,

    Il renonce, se saisit d'une perche

    Et s'en va gaffer un nénuphar.

     

    Sur le chemin du retour,

    Il se convainc que ce simple nénuphar,

    Auquel il voue tout son amour,

    Est bien la Nymphe du Barbare.

     

    Son arrivée impromptue au Monastère

    Génère un grand remue ménage.

    Son retour miraculeux des enfers

    Est vécu comme un heureux présage.

     

    Le moine est lavé, nourri, dorloté,

    Sur la plante on le presse de questions,

    On veut savoir où il l'a trouvée,

    On dresse des plans de la région.

     

    Bientôt le nénuphar est incorporé

    À la recette tricentenaire des brasseurs.

    Le succès rencontré par la bière est inespéré,

    Il plonge tout le Monastère dans le bonheur.

     

    Deux mois plus tard, tout le nénuphar est épuisé,

    Le monastère, en fête, a hissé ses grands étendards.

    Le moine repart, sous les vivats d'une foule extasiée,

    Sa mission : ramener une nouvelle Nymphe du Barbare.

     

    ***

     

    Ne cherchez pas de morale à cette histoire :

    Chaque fois que vous le pourrez, portez vous volontaire,

    Vous éviterez ainsi toutes les basses corvées du Monastère,

    Et vous connaitrez peut-être la gloire,

    En plus de tous les bénéfices d'une vie au grand air.

     


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  • Dans le vide intersidéral,

    Dix millions d'étoiles,

    Petites épingles de glace.

     

    Dans son vaisseau spatial,

    Repu, heureux, à poil,

    Un ogre se prélasse.

     


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  •       Très fâché par la lettre de réclamation du lieutenant Graubidhon, l'Amiral Dagony donne l'ordre de ne pas relever "La Frite Joyeuse" à l'issue de sa mission de 6 mois en orbite autour de Fatoumou VI.

     

    Après avoir épuisé les vivres, l'équipage s'adonne après quelques semaines de diète forcée au cannibalisme, d'abord en mangeant les morts de faim, puis en mangeant les mangeurs de morts de faim, qui sont plus dodus. Un an plus tard il ne reste plus que le Lieutenant de Vaisseau Graubidhon à bord. Un soir, alors qu'il va se coucher, il se prend les pieds dans un vieux slip sale et tombe de tout son poids sur sa couchette. La couchette s'effondre, traverse deux cloisons et l'un de ses pieds en métal finit par perforer la coque de "La Frite Joyeuse". Le corps du lieutenant Graubidhon permet un moment de combler la brèche (à l'insu de son plein gré), mais ses organes internes finissent par être aspirés par le vide de l'espace avec tout l'air des compartiments percés. 

    Un mois plus tard lorsque la frégate "Le Cassoulet Copieux" arrive sur zone pour la relève, elle trouve "La Frite Joyeuse" déserte, à l'exception du cadavre du Lieutenant de Vaisseau Graubidhon (dépourvu de sa partie ventrale).

    Comme dernière entrée dans le journal de bord, il est notifié "En l'absence d'équipage et de tenue de bain de taille suffisante, je m'arroge le droit de ne plus m'habiller et de me promener nu dans les coursives".

    L'Amiral Dagony, à la suite de cet incident malheureux, sera relevé de ses fonctions pour "cruauté envers un subalterne". Depuis lors, les uniformes de l'amirauté ont été pourvus de trois tailles supplémentaires.

    À ce jour les organes et les viscères du Lieutenant Graubidhon sont toujours en orbite autour de Fatoumou VI.


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  • Lettre de réclamation à l'amirauté portant sur le point de règlement V-56 alinéa c2 du code de conduite des Officiers de Marine.

     

    Mon cher Amiral,

    En ma qualité d'officier, dans mon vaisseau spatial,

    Je ne peux bénéficier des offres spéciales de notre cantinier

    Pour les produits qui ont dépassé leur date de consommation optimale.

     

    Je dois me contenter de l'ordinaire du mess,

    Menu essentiellement composé de sucres et de graisses

    Qui ont fini par me doter d'une grosse paire de fesses.

     

    Je vous demande par la présente la possibilité d'acquérir, moyennant finances,

    Les boites surnuméraires de salsifis et les sachets de graines d'amarante

    Dont je ferai bombance et qui pourraient me permettre à terme, je pense,

    De m'assoir dans ma chaise sans avoir à en relever les accoudoirs.

     

    Amiral, mon cher Amiral,

    Des uniformes fournis par l'Amirauté, j'arrive désormais à la taille maximale.

    Si vous ne faites rien, j'enrage à l'idée de bientôt devoir prendre mes quarts en tenue de bain,

    Ce qui pourrait donner sur mon moral comme sur celui de l'équipage des résultats incertains.

     

    Votre dévoué Lieutenant de Vaisseau Graubidhon.

    Union des Forces Solariennnes

    III ème Escadre de Surveillance des Aliens de Stade Préindustriel

    Frégate La Frite Joyeuse

    Secteur D7-Ga

    Bras D'Orion


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  •  

    Dans les replis tortueux de sa mémoire,

    Reposent de mystérieux grimoires.

    Ces manuscrits sont à jamais les gardiens

    De son histoire,

    De ses déboires les plus dérisoires

    À ses plus vilains souvenirs de gadin.

     

    Ces grimoires épais,

    Il ne les ouvre jamais,

     

    Mais, même calés sur des orbites lointaines,

    Voire transneptuniennes,

    Pour des raisons mal comprises,

    Parfois les grimoires décrochent,

    Prennent une trajectoire balistique,

    Et viennent le percuter par surprise,

    Dans un déluge de feu et de roches.

     

    Ça pique

    Mais la couenne de Dragon est épaisse.

    Flaminou s'agite bien un peu dans son sommeil,

    Se débarrasse de ce sentiment de détresse,

    Et repart pour un tour dans le monde des merveilles.

     

     


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  • Encore trois tours.

    J'en ai bientôt terminé avec mon vingt cinq mille mètres.

    Il ne reste plus que quelques officiels au bord de la piste, les gradins sont presque vides. Il reste deux sortes de spectateurs, ceux qui m'encouragent et ceux qui se bidonnent. À la limite, je préfère ceux qui se bidonnent. Ceux qui m'encouragent ne le font pas pour les bonnes raisons, ils ont juste parié que je terminerai la course.

    Moi aussi. Si je ne la termine pas, je perds mon statut d’athlète espoir universitaire, je perds ma bourse et je ne pourrai pas terminer ma cinquième année de coprologie parasitaire. Donc il n'est pas question que j'abandonne.

    Habituellement on attend que le dernier concurrent passe la ligne d'arrivée avant de faire la cérémonie de remise des médailles. Dans mon cas, il n'a pas été jugé bon d'attendre. Il faut dire que le premier est arrivé il y a plus d'une heure, et l'avant dernier il y a une bonne vingtaine de minutes.

    Ces gens là sont des stars, les organisateurs ne pouvaient pas les faire attendre. Ils ont d'autres compétitions la semaine prochaine. Ils ont bien rigolé quand ils m'ont vu passer devant le podium avec mon gros sac.

    À chaque tour que je termine en dernière position, on me confie un poids d'un kilogramme à mettre dans mon sac à dos. Je ne sais plus combien il y en a déjà, je ne dois pas être loin du cinquantième. Si je n'étais pas tombé bêtement dans le dixième tour, j'aurais terminé depuis longtemps. Pas dans les premiers, mais pas dernier non plus. Et normalement dans ma situation on abandonne, on ne termine pas une course avec un sac de cinquante kilos sur le dos. 

    Comme je n'ai pas le droit de marcher sous peine d'élimination, je suis obligé de faire de toutes petites impulsions pour donner l'impression de courir. C'est épuisant.

    Soixantième tour. Le poids est vraiment d'un kilo ? Celui qu'on vient de me donner en fait au moins quatre. Je suis à l'agonie mais je ne m'arrêterai pas. Encore deux tours. Au soixante deuxième tour, je pourrai retirer mon sac et finir triomphalement les deux cent derniers mètres sous les vivats d'une foule en délire.

    J'ai comme un voile devant les yeux, je ne sais pas trop si les lumières du stade ont été mises en position économie d'énergie ou si c'est mon moteur interne qui flanche.

    Soixante et unième tour, dernier poids. L'officiel qui me le tend me regarde d'un air dégoûté, il avait probablement prévu de rentrer chez lui pour regarder le match du samedi soir. Je l'emmerde.

    Il fait de plus en plus sombre, quand même. C'est abusé.

    Ça fait longtemps que je n'ai plus mal à mon genou, celui qui a absolument tenu à racler la piste dans le deuxième virage du dixième tour. Il saignait beaucoup, pourtant. Je ne sais pas si c'est bon signe.

    Soixante deuxième tour, la délivrance. Je peux me débarrasser de mon sac. Bien entendu, je me casse la gueule, comme prévu. Dans ce cas particulier du sac surchargé, le coureur tombe toujours, j'ai pourtant vu assez de compilations sur les réseaux sociaux pour le savoir. Mais c'est plus une affaire de physique, de centre de gravité, que de tradition. Je me relève avec difficulté, mais seul. Je n'allais tout de même pas abandonner à deux cent mètres de l'arrivée, quand même. J'entends quelques parieurs hurler de joie dans les gradins.

    Ça va mieux, sans sac. Je ne sprinte pas, mais je retrouve une foulée normale. Je me sens léger, mais léger, I believe I can fly ! Dans les gradins, les parieurs poursuivent leurs effusions de joie. Ils en font un peu trop, je trouve. 

    Il faut toujours aussi noir, ceci dit. Du coin de l'oeil, je vois quand même un officiel qui me fait des grands signes et qui hurle :

    - Vous êtes reparti dans le mauvais sens !

    Et merde, c'est vrai, la piste est sur ma droite. je fais demi tour, et je me retrouve à deux cent cinquante mètres de l'arrivée. Deux officiels essoufflés arrivent à ma hauteur et me tendent mon sac à dos. Le moins essoufflé des deux me dit :

    - Vous devez porter votre sac jusqu'à la fin du soixante deuxième tour, c'est le règlement.

    Sidéré, n'ayant pas la force de me lancer dans une critique légitime du règlement, je tends les bras. Ils lâchent le sac, et je m'écroule au sol. Un problème de physique, de centre de gravité. Bref.

    Je me relève, je hisse mon sac, je vérifie que je suis dans le bon sens et je repars vers la fin du soixante deuxième tour. Pour la deuxième fois.

    Là c'est vraiment dur. Je n'arrive plus à courir que de façon latérale, ce qui n'est pas très orthodoxe, mais réglementaire. Je mets des plombes pour arriver jusqu'à la ligne. Cette fois ci je lâche le sac sans tomber, vu que je me suis jeté au sol. Applaudissements nourris de mes cinq supporters.

    Je me relève une nouvelle fois, résiste de justesse à la tentation de mettre un coup de pied dans mon sac, m'élance à nouveau vers la ligne d'arrivée, en prenant bien soin de vérifier que je suis toujours dans le bon sens. Euphorique (I believe I can touch the sky), je pousse le vice jusqu'à faire quelques demi tours en faisant mine de repartir dans l'autre sens. J'ai toujours eu l'instinct d'un comique. Troupier.

    J'ai la force de lever les bras en franchissant la ligne.

    Par réflexe, je me tourne vers l'affichage pour connaître mon temps. Affiché en lettres d'or sur le chrono géant, je lis :

    « Hors Délais »

     

    Je me tourne vers un des officiels qui se dirige vers le tunnel de sortie :

    - Céune blagh ? (version de « c'est une blague » quand votre langue spongieuse n'a pas été hydratée après un effort violent et prolongé)

    L'officiel voit le chono que je désigne du doigt et répond d'un air contrit :

    - Heu non, c'est le règlement. Les concurrents qui mettent plus du double du temps du vainqueur pour atteindre l'arrivée sont éliminés. Le vainqueur a fait 1h 12mn 19sec, le chrono est passé hors délais à 2h 24mn 38sec, vous n'étiez qu'à quelques mètres de la ligne d'arrivée. Du coup votre performance ne sera pas homologuée, c'est comme si vous n'aviez pas terminé la course. C'est dommage d'être reparti dans l'autre sens au soixante deuxième tour puis d'avoir fait des singeries dans les derniers deux cent mètres...

    - Cépapochib ! 

     

    L'officiel hausse les épaules et se dirige vers la sortie. Dans les gradins, les cinq supporters qui avaient parié sur moi m'insultent copieusement. Les autres pleurent de rire. Certains envoient déjà la vidéo de mes exploits sur les réseaux sociaux.

     

    Cette fois ci, quelqu'un a vraiment éteint les lumières. Dans le noir complet, il n'y a plus que les lettres dorées géantes « HORS DÉLAIS » qui brillent.

    Pour l'éternité.

     

    extrait de "La jeunesse sportive du Bidet" Volume premier


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  • Par un bel hiver, un caribou est tranquillement en train de mâchonner des branchettes dans une des nombreuses forêts de la province du Saskatchewan, lorsqu'il est pris dans une tornade. Arraché du sol par les éléments déchainés, il est transporté sur des centaines de lieues par le vent, en compagnie de quelques sapins et d'une vieille cabane en planches vermoulues. Il perd rapidement connaissance, assommé par les cabinets en faïence de la vieille cabane.

     

    La tornade ayant terminé sa petite colère, le caribou se réveille soudain en pleine mer, sans gilet de secours, sans espoir, sans slip de bain. Il est sur le point de se noyer et se pense perdu à jamais lorsqu'il aperçoit une île à l'horizon.

    Il se lance alors dans un crawl aussi vigoureux que désespéré et parvient à rejoindre une plage de sable blond.

    La plage est déserte. Pas l'ombre d'un bikini ou d'un paréo. Pas d'ombre du tout, d'ailleurs. Le soleil est vigoureux. Encore tout humide, le caribou s'enfonce entre les palmiers pour trouver une source d'eau. Il a très soif, l'eau de mer avait un drôle de goût.

    Il ne reconnaît pas la végétation, c'est la première fois qu'il se trouve dans une île tropicale. Les plantes et les arbres lui sont inconnus. Il trouve quelques arbustes dont les feuilles sont bonnes. Les fleurs ont un drôle de goût, mais il les mange tout de même.

    Il trouve rapidement un petit ruisseau, se désaltère. Ses grandes oreilles sont aux aguets, là d'où il vient il doit se méfier des ours. Il a chaud.

    Avec prudence, maintenant qu'il a bu et qu'il a mangé un peu, il commence à explorer les environs.

    Après quelques heures d'exploration, rien. Pas un animal hormis quelques belettes locales, des araignées de toutes les tailles et de toutes les couleurs, et quelques serpents à l'air mauvais. Il est seul. Et surtout, il a chaud.

    Il retourne sur la plage pour se jeter dans l'eau et se rafraîchir. Sous l'eau, les poissons sont de toutes les couleurs. C'est beau.

    Alors qu'il fait tranquillement la planche, d'un coup d'un seul, le soleil se couche. Apeuré, le caribou sort de l'eau. Il frissonne. Le soleil n'est plus là, il a froid. Il est seul. Il n'est pas trop rassuré.

    Il entend alors un drôle de bruit, au loin. Il décide de suivre le rivage pour se rapprocher du tintamarre qui trouble le bruit mélodieux des vagues. De loin, ça ressemble à une reprise des Beach Boys par une tronçonneuse.

    Bientôt il aperçoit une lueur, puis une odeur de fumée. Ce sont des hommes ! Le caribou s'approche lentement d'un feu de camp sur lequel grillent quelques pains de tofu. Autour du feu, quelques surfeurs sont rassemblés. Ils dodelinent de la tête au rythme de l'i-Pad qui est relié à une enceinte à batterie solaire. De près, le son qui en sort ressemble aussi à une reprise des Beach Boys par une tronçonneuse (une Husqvarna).

    Les surfeurs devraient être bouche bée devant le spectacle d'un caribou sur une plage des Caraïbes. Mais rares sont les surfeurs qui ont une idée du climat où l'on trouve généralement les caribous. Aucun n'est bouche bée, ils pensent qu'il s'agit d'une espèce de gros chien à cornes, ou d'une sirène un peu trop poilue. Un des surfeurs propose une tranche de tofu grillé au caribou, qui décline. Ce n'est pas parce qu'il est perdu sur une île déserte qu'il va manger n'importe quoi. Il se rapproche et s'allonge près du feu pour faire sécher sa toison.

    Une des humaines du groupe s'approche et le sèche tendrement avec son drap de bain Hello Kitty. Une autre lui souffle dans les naseaux de la fumée de la même herbe que celle qu'il a mangé un peu plus tôt. Le caribou est heureux. Il n'a plus froid. Mais il a faim.

    Il accepte finalement quelques tranches de tofu et un coca light. Lentement, la batterie de l'enceinte solaire s'épuise. Aussi lentement, la lune et les étoiles changent de position dans le ciel. Tout bouge et rien ne bouge. La vitesse de libération pour quitter le puits de gravité de la planète terre est supérieure à onze kilomètres à la seconde, mais tout le monde s'en fout un peu. Le caribou ne sait pas ce qu'est une planète, ni ce qu'est un kilomètre. Il n'a aucune envie de quitter un quelconque puits de gravité, de toute façon il est comme collé au sol, et d'ailleurs il se sent aspiré tout doucement dans un puits sans fond.

     

    Au petit matin, les surfeurs sont partis, le feu est éteint, le caribou se réveille. Le soleil est déjà haut dans le ciel, le caribou a un peu chaud, il va aller nager. Après il ira manger des feuilles. Ce soir les surfeurs reviendront peut être. La lune et les étoiles aussi.

    La neige lui manque bien un peu mais elle est tout de même sympa, la vie d'un caribou aux Caraïbes.

     

    extrait de "Les histoires vraies du bidet" Volume premier


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