• Finement con

    Jour 74

    La pandémie n'a toujours pas diminué en intensité. Le gouvernement vient de restreindre la vente d'essence aux seuls véhicules de police et d'urgence.
    Plus de 90 % des magasins d'alimentation sont désormais fermés, faute de personnel et de denrées à vendre.

    Je n'ai plus d'essence, je ne peux plus aller faire de courses, mais avec les réserves accumulées j'ai calculé que je pouvais tenir 2 ans, au minimum, à condition que l'on ne me coupe pas l'eau. 

     

    Jour 76

    Après plusieurs coupures ces dernières semaines, le réseau internet vient de lâcher. À la radio FM ils disent qu'il sera rétabli sous 48 heures.

     

    Jour 78

    Brigitte est morte ce matin. Je l'ai enterrée au fond du jardin, conformément aux recommandations sanitaires du gouvernement. Les derniers jours ont été affreux. 

    J'ai annoncé la nouvelle par SMS à tous nos contacts (127). Je n'ai reçu que deux réponses. 

    Du coup maintenant j'ai 4 ans de réserves. Je culpabilise d'avoir fait le calcul, mais il faut reconnaitre qu'il n'était pas compliqué à faire. 

     

    Jour 81

    La radio annonce que pour le moment il n'y pas de possibilité de remettre le réseau internet en marche. Le téléphone (hors portable) est également out. 

     

    Jour 83

    Les derniers magasins, qui n'avaient presque plus rien à vendre, viennent de recevoir l'ordre de fermer, suite à des émeutes qui ont fait plusieurs centaines de morts en région Parisienne. 
    Le gouvernement assurera une distribution de denrées de première nécessité en porte à porte avec l'armée. Les personnes qui souhaitent être ravitaillées doivent attacher un linge blanc sur leur porte. J'en ai mis un, je n'en ai pas vraiment besoin mais on est jamais trop prudent. 

     

    Jour 85

    Je me suis rendu compte ce matin en vérifiant les linges blancs attachés aux portes qu'il n'y avait plus que moi de vivant dans ma rue.  Ou bien qu'il n'y avait que moi pour demander de l'aide. 

     

    Jour 88

    J'ai reçu ma première livraison ce matin : cinq kilos de blé, deux poules vivantes, un sac de pommes de terre, un pack de lait, des conserves, des graines à planter au printemps, avec mode d'emploi.

    Je n'ai plus trop de place de stockage, j'ai été obligé d'enterrer une partie de mes provisions dans le jardin. 

     

    Jour 114

    Je me suis fait attaqué dans la nuit, par des pilleurs. Ils ont tout pris, à l'exception de ce que j'avais enterré dans le jardin. Je crois que j'ai plusieurs côtes cassées. J'ai mis plus de deux heures à me détacher de la chaise à laquelle ils m'avaient saucissonné. 

    J'ai mis trois heures à joindre les gendarmes. Qui m'ont dit qu'ils ne pouvaient rien faire. Ils connaissent la bande en question, mais n'ont plus les effectifs suffisants pour tenter une interpellation. Ils ne sont même pas venus prendre ma déposition. 

     

    Jour 128

    J'ai réussi à récupérer deux poules via le ravitaillement de l'armée, non sans mal, en troquant des bouteilles d'alcool. 

    Les militaires m'ont dit que la bande qui m'avait attaqué a été mise hors de nuire par une de leur section d'assaut, qui a récupéré les stocks accumulés, et qui seront redistribués équitablement aux survivants de la région. 

    Bon, j'en récupèrerai quand même une partie, c'est déjà ça.

    Jour 156

    Cela fait deux semaines qu'il n'y a plus eu de ravitaillement gouvernemental. En me rationnant, je peux encore tenir une quinzaine de jours, mais après il faudra bouffer les poules, et ensuite c'est l'inconnu. 

     

    Jour 163

    Il n'y a plus d'électricité depuis deux jours. On avait déjà eu des pannes dans les semaines précédentes, mais cette fois ci, ça ne revient pas. Impossible de joindre quelqu'un au téléphone.

     

    Jour 164

    Plus d'électricité, plus de téléphone, plus de radio, plus de ravitaillement. Ça devient critique.

     

    Jour 169

    Je n'ai rien mangé au cours des 3 derniers jours. Et je trouve que l'eau du robinet commence à avoir un drôle de gout. Ce matin j'ai trouvé une boite de thon qui était tombée derrière un élément de la cuisine. Elle était périmée depuis 4 ans, mais je l'ai mangée quand même. Excellente.

     

    Jour 172

    J'ai enfin réussi à tuer une tourterelle avec la 22 Long Rifle de mon grand père. Il m'aura fallu 47 balles pour en toucher une. À ce rythme là, je pourrai encore en avoir deux avant d'être à court de balles. 
    En plus y'a pas grand chose à bouffer, dans une tourterelle. Je mange le peu de légumes qui poussent dans mon jardin avant qu'ils n'atteignent une taille correcte : on est très con quand on a faim. Bon, c'est vrai, on peu aussi être très con quand on a pas faim. 

     

    Jour 175

    J'ai senti une odeur de barbecue ce midi. J'ai trouvé des inconnus chez les voisins qui étaient en train de rôtir un chien dans la cour. C'est la première fois que je voyais des gens depuis le dernier ravitaillement. Quand je me suis approché d'eux ils m'ont immédiatement mis en joue avec leurs fusils de chasse. Ils sont trois, je n'ai pas insisté et je suis rentré chez moi m'enfermer. Après les chiens, à quoi vont ils s'attaquer ?

     

    Jour 177

    Ils se sont attaqués à moi, évidement. J'ai réussi à en tuer un par surprise, avec un marteau, les autres se sont sauvés. J'ai récupéré un fusil de chasse à canon scié, 8 cartouches, du fil de pêche, de la viande de chien séchée, des hameçons, une radio avec des piles, deux briquets.

    Je n'ai pas pu me résoudre à charcuter le mort pour le manger. Je l'ai enterré. Je le regretterai peut être. 

    La radio diffuse sur toutes les ondes le même message que celui qui était diffusé avant la panne de courant générale. (les règles du confinement, la confirmation de la fermeture des hôpitaux et des commerces d'alimentation, la loi martiale). Je l'ai jetée.

     

    Jour 180

    Ce matin j'ai tenté la pêche, sans succès. Je n'ai jamais été doué pour ce genre de choses.

    Je me suis résolu à visiter quelques maisons sur le chemin du retour, pour un butin très maigre. Quelques boites, quelques cadavres horribles, je me fous d'attraper la maladie, si ça doit se faire ça se fera. 

    C'était la première fois que je sortais de chez moi depuis plus de trois mois. 

     

    Jour 201

    Je visite les maisons de nuit, dorénavant. De jour, avec les groupes de pillards qui trainent, c'est trop dangereux. Il y a deux jours je suis tombé nez à nez avec un groupe d'ados. Si je n'avais pas eu mon fusil de chasse, ils m'auraient bouffé. J'en ai touché un à la jambe, il est probablement crevé dans un caniveau à l'heure qu'il est. 

     

    Jour 222

    Je crois que je déteste les potirons. J'en ai tellement que je n'arriverai jamais à tout bouffer. Je les stocke pour cet hiver, ça me servira à nourrir mes lapins (récupérés dans un clapier, presque morts de soif et de faim).

     

    Jour 237

    Il a neigé hier, très fortement. Je suis obligé de faire du feu depuis quelques jours, au risque d'attirer les indésirables, mais jusqu'à présent je n'ai pas eu de surprises. 
    J'ai vérifié ce matin : aucune trace d'empreintes dans la neige. 

    Je continue mes recherches de nourriture mais ça devient compliqué. Je n'ai pas de quoi passer l'hiver. J'ai assez de whisky et de pinard pour les cinq prochaines années, par contre. C'est toujours des calories bonnes à prendre, et ça soigne la mélancolie. 

     

    Jour 276

    J'ai touché le jackpot hier matin : une réserve de conserve dans une grange, plus grosse que celle que j'avais constitué moi même. Pour plus de sécurité, je vais la répartir entre différentes caches pour ne pas risquer de tout me faire prendre d'un seul coup. D'après mes calculs, j'ai largement de quoi voir venir les prochains hivers.  

     

    Jour 310

    Je me suis rendu en vélo dans un village voisin il y a quelques jours, j'avais fini de visiter toutes les maisons de mon village. J'ai été accueilli à la chevrotine. 
    Je n'y retournerai pas.

     

    Jour 331

    J'ai commencé à planter les graines qui me restaient du ravitaillement de l'an dernier. En espérant que ça pousse un peu mieux cette fois ci. Mais j'ai travaillé sur la question, ça devrait mieux se passer.

     

    Jour 368

    Je suis tombé nez à nez avec un groupe de rôdeurs la nuit dernière, dans la zone artisanale. J'en ai eu un, mais j'ai pris un mauvais coup de couteau. 
    Je crois que je ne m'en sortirai pas. 

     

    Jour 380

    Je ne me remets pas de ma blessure au ventre. Ça ressemble à une septicémie. J'ai avalé des antibiotiques mais ça n'a rien donné. 

    Si vous trouvez ce journal, vous trouverez en dernière page toutes mes planques de nourritures dans le village. 

    Pensez à récolter les légumes, et à récupérer des graines pour les planter au printemps. J'ai une collection d'ouvrages sur le jardinage qui ferait pâlir d'envie Nicolas le Jardinier.

     

    Jour 388

    Ça m'a fait tout drôle de me réveiller dans un hôpital de campagne Chinois.

    Je remange depuis deux jours. J'adore les nouilles ! 

    Je ne comprends rien à leur baragouin, mais ça fait plaisir de retrouver la civilisation. Le campement est superbe, doté d'une grande partie du confort moderne que j'avais oublié, mais quand j'ai voulu aller prendre l'air à l'extérieur du camp, je n'ai pas eu le droit. 

    C'est pas grave, l'essentiel c'est qu'ils nourrissent les prisonniers.

     

     

     

     

     

     

    « Communiqué aux Fils du CielMonsieur Propprobre »

  • Commentaires

    1
    Hélène Louise
    Jeudi 19 Mars 2020 à 14:11
    Très réconfortant merci
    2
    Jeudi 19 Mars 2020 à 14:23

    Je ne sais pas si c'est du lard ou du cochon, mais dans les deux cas je prends, ça ira dans mes réserves. sarcastic

    3
    LadyLama
    Jeudi 19 Mars 2020 à 17:30
    Brrrr. En ce moment je me dis que j’ai lu trop de romans post apocalyptiques...
    4
    Jeudi 19 Mars 2020 à 18:37

    Ou pas assez...

    sarcastic

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