Ogres à deux têtes :

Les sautes d'humeur dont vous êtes coutumier seront particulièrement fréquentes au cours des six prochains mois. N'oubliez pas de laver les dents de vos deux têtes après les repas pour ne pas avoir de mauvaises surprises bucco-dentaires.

Licornes albinos :

Déplacez vous de préférence de nuit. Certains chasseurs n'ayant toujours pas saisi la notion de quota de chasse les déplacements diurnes sont trop risqués.

Gnomes à poils longs :

A moins d'être employé comme ramasse poussière dans un château, il est temps de vous rendre chez le coiffeur. C'est à la fois une question d'hygiène et de bon sens. Pensez un peu à ceux qui vont vous manger.

Dauphins moches :

Ne vous approchez pas des bateaux de pêche, vous risquez d'être pris pour un thon.

Ecureuils enragés :

Vous aurez tendance à vous attaquer à plus gros que vous mais vous ne manquerez pas de mordant.

Gobelins hydrocéphales :

Ne prêtez aucune attention à ceux qui vous accuseront d'avoir pris la grosse tête au cours de l'hiver.

Trolls aux mains moites :

Enroulez une petite lanière de cuir à votre poignet et raccordez là à votre gourdin clouté si vous ne voulez pas qu'il vous échappe des mains à la première altercation venue.

Mages noirs asthmatiques :

C'est la saison des pollens. Ne vous lancez pas dans une incantation si vous n'êtes pas certains de la terminer. Ne préparez pas de potions dangereuses si vous êtes sujets à des éternuements intempestifs.

Fées des Logis :

Il est temps de se réveiller et de se lancer dans un grand ménage de Printemps. Secouez vous un peu la baguette.

Chevaux d'Arçons :

Vous avez des envies de chevauchées dans la nature, de galops sur la plage, de sauts par dessus les haies. Vous risquez de connaître certaines désillusions.

Lapins Vampires :

Vos carottes au sang seront livrées au lieu habituel sous réserve de maintenir le pacte de non agression en vigueur.

Dragons farceurs :

Pour préserver l'harmonie inter-espèces des Neuf Royaumes, il serait judicieux que les vessies de baleines balancées sur les passants soient remplacées par des vessies de gnomes. Si elles pouvaient contenir de l'eau de mer au lieu de l'urine habituelle, ce serait grandement apprécié.

Anaskri Bouillard, Archiviste royal et Astrologue amateur.

Une petite comptine qui nous vient de Rastapopoulosie Septentrionale, bien connue des enfants de ce Royaume.

Merci à Mademoiselle Antou Ziaste pour cet envoi.

Tu connais le Soleil, mais le Soleil ne te connait pas,

Tu pourrais faire l'imbécile, allumer de grands feux de joie,

Repeindre les Neuf Royaumes couleur caca d'oie,

Ce serait en pure perte : le Soleil ne te connait pas,

Et il m'a encore dit hier que ce serait toujours le cas.

A moins de faire quelque chose de vraiment, vraiment spectaculaire,

Comme faire disparaître la Lune, ou me donner ton manteau d'hiver.

Tu connais le Soleil, mais le Soleil ne te connait pas,

Donne moi ton manteau d'hiver, il ne fait plus froid,

Et peut être, peut être, le Soleil te reconnaitra.  

Une chanson qui nous vient des Montagnes Bleues, attribuées à un Troll célèbre dont on ne peut pas légalement citer le nom, le décret Royal d'oblitération le concernant étant toujours en vigueur  :

J'ai quatre amis

Le premier n'est plus là

Le second est fâché,

Le troisième ne me connait pas

Le quatrième est un empaffé.

Le premier nous a quitté un beau soir d'été,

Ecrasé sous une pierre par une épouse en colère

À laquelle il avait fait l'erreur de déclarer la guerre.

Les Ogresses font des femmes au foyer dévouées,

Mais une fois contrariées elles deviennent vite atrabilaires.

Le second, camarade de mes lointaines aventures,

N'a pas supporté que je lui vole sa fiancée,

Une Fée délicate, superficielle et élancée,

Depuis longtemps partie vers d'autres contrées

Avec ma bourse, ma gamelle et ma voiture.

Le troisième est cher à mon cœur,

C'est comme mon frère, il pourrait tout me demander,

Mais jamais il ne le fera, il ne peut pas,

C'est un un Elfe Noir réputé, un très célèbre auteur,

À qui je n'ai jamais été présenté.

Le quatrième, un Lutin rieur, ancien lutteur de combat,

Détourne parfois le regard quand je le croise,

Tout dépend de sa compagnie à ce moment là,

Son meilleur ami étant celui avec lequel je suis fâché.

Quand il est seul, on va boire une cervoise.

J'ai quatre amis,

Le premier n'est plus là

Le second est fâché,

Le troisième ne me connait pas 

Le quatrième est un empaffé.

Tensil la buse et Taffa la muse sont dans un bateau qui convoie une cargaison de boulettes,

Direction Syracuse.

La muse Taffa tombe à l'eau. Elle crie à l'assassinat et c'est la buse Tensil qui sert de bouc émissaire,

Et elle accuse le coup.

La muse, qui sait nager et a regagné la rive, récupère la cargaison de boulettes et rigole.

Moralité :

Quand la ruse de la muse abuse la buse, la muse s'amuse. 

Et elle mange des boulettes.

Voici une petite chanson d'adieu restée célèbre dans le Duché d'Anjoufeu, retranscrite dans une version expurgée de ses termes les moins convenables :

Tout est vide, tout est triste,

Le vieux Gobelin Craque-Herse nous a quitté.

Nous ne dirons pas qu'il était aimé de tous,

A vrai dire il ne sera pas très regretté,

Nous ne souhaitons pas que sa tête repousse,

Pas plus que ses oreilles, ses bras ou ses pieds.

Ne l'oublions pas quand même :

Il a empoisonné tous les puits du Quartier,

Même le sien, même le sien.

Il a pillé toutes les granges de la Vallée,

Même les miennes, mêmes les miennes.

Il a incendié tous les châteaux du Comté,

Même le mien, même le mien.

Il a violé toutes les filles du Duché,

Même les siennes, même les siennes.

Nous ne dirons pas qu'il était aimé de tous,

Nous avons même fait une fête à tout casser

Avec les maigres fonds du fond de nos bourses,

Que notre ami avait omis de ramasser.

Mais que tout est triste, une fois la fête passée

Et qu'il faut tout ranger,

Et qu'il faut tout ranger,

Et qu'il faut tout ranger.

Note : dans la version intégrale, il y a beaucoup de rimes en "ouille".

On évoque assez peu en ces lieux, pour ne pas écrire « jamais », la Grande Foret Obscure qui jouxte la Mycosie.

Il est difficile d'évoquer cette Foret de sinistre réputation dont personne n'est jamais revenu, les candidats au départ ne se bousculant pas au portillon d'entrée.

Nous avons enfin pu reccueillir un témoignage de première main sur ce qui se passe dans la Grande Foret Obscure, grâce à une Sorcière renégate qui a bien voulu se confier à condition de bien vouloir mentionner discrètement son petit commerce dans le présent compte rendu. La sorcière Holy, de chez « La sorcière Holy, potions maléfiques & produits de beauté dissimulants » dont l'échoppe se trouve à Munster, Royaume de Brie, est la Sorcière renégate en question.

Il se trouve qu'Holy est la sœur de l'une des Sorcière les plus influentes du Premier Cercle du Conclave de la Grande Foret, la Sorcière Hate Ram.

A l'origine les sœurs Ram étaient au nombre de trois : il y avait Hate, Holy et Hifi-Kaichionne. Leur mère, la sorcière Aspoussière, était une sorcière mineure, spécialisée dans les pluies de grenouilles et les pustules à repousse permanente, qui n'a jamais dépassé le troisième cercle du conclave des Sorcières de la Grande Foret.

Comme la tradition l'exige, ses trois filles furent confiées dès l'âge de 7 ans au centre de formation des Sorcières de la Grande Foret. Ce centre de Formation très réputé arrive à la sixième place du classement des centres de formation des Neuf Royaumes, avec l'avantage d'être gratuit, les sorcières formées payant leur formation à l'issue de celle ci, dans le cadre d'un contrat de servitude au Conclave de 50 ans, renouvelable deux fois.

A leur intégration, les trois soeurs avaient toutes les trois des caractères très différents. Hate était passionnée par l'amour, Holy ne pensait qu'à dormir pour devenir Faufileuse Maléfique. Hifi-Kaichionne, qui était passionnée par les embranchements, décéda très peu de temps après son admission, victime d'un mal endémique chez les sorcières : le choc phyllocarbonique consécutif au déclenchement d'une allergie à la bave de crapaud. (Celles qui en réchappent en gardent des séquelles physiques assez déplaisantes, c'est pourquoi dans l'imagerie populaire les sorcières sont horriblement moches).

Hate perdit la vue en deuxième année suite à une blague de potache d'une camarade qui avait subrepticement remplacé de la poudre de testicule de Prince par de la poudre de carapace de tortue albinos, ce qui entraîna une explosion de marmite aux conséquences fâcheuses. Hate en conçu un vif ressentiment à l'égard de la blagueuse, dont on est sans nouvelles à ce jour.

Holy, pour sa part, reconnaît volontiers qu'elle n'était pas aussi douée que sa sœur aveugle, elle même d'un niveau inférieur à sa sœur décédée. Comme quoi la bonne santé n'a rien à voir avec le talent.

Après ses trois premières années d'étude, Holy avait été orientée vers la classe la moins réputée du centre de formation : Philtres d'Amour & Potions Dissimulantes, tandis que sa sœur Hate était affectée à l'élite : la classe Métamorphoses & Malédictions, que toutes les élèves désignent par l'abréviation M&M's.

Hate fait actuellement partie du Premier Cercle du Conclave des Sorcières de la Grande Foret. Holy s'est échappée de la Grande Foret au cours du second renouvellement de son contrat de servitude voilà de cela plusieurs années pour ouvrir le commerce ci dessus évoqué : « La sorcière Holy, potions maléfiques & produits de beauté dissimulants » dont l'échoppe se trouve à Munster, Royaume de Brie. Sa courageuse évasion fait d'elle une Sorcière renégate.

Voilà les informations qu'elle a pu nous confier au sujet de la Grande Foret : elle déconseille aux aventuriers, aux voyageurs et aux touristes de s'y rendre, car ils sont tous porteurs d'ingrédients plus ou moins indispensables à la confection de potions, et la concurrence acharnée qui sévit dans cette contrée pour la collecte des ingrédients rares rend presque impossible pour un visiteur non versé dans les arts de protections magiques d'y survivre plus de quelques heures.

En plus des sorcières, Holy nous affirme qu'il existe une faune particulièrement dangereuse au cœur de la Grande Foret que seules quelques Sorcières du Premier Cercle sont capables d'approcher. Il s'agit d'ailleurs de l'épreuve d'initiation au Premier Cercle : passer une semaine au cœur de la Grande Foret et en revenir en vie avec un trophée (des onglats, des crocs ou de la bave de Bête dont-on-ne-dit-pas-le-nom).

Pour trouver le commerce de la sorcière Holy à Munster c'est assez simple : il s'agit du bâtiment de la place Ducale qui a récemment souffert d'un incendie partiel. Elle affirme, et il n'y a aucune raison de mettre ses affirmations en doute, qu'il s'agit d'une mesure de rétorsion du Conclave, alors que les mauvaises langues prétendent qu'elle ne se serait pas réveillée alors qu'une potion d'agrandissement d'attributs virils mijotait depuis la veille. Cette version est tout de même assez improbable : si la Sorcière Holy n'est pas une Sainte, c'est tout de même une professionnelle reconnue dans la région. Les clients de son échoppe « La sorcière Holy, potions maléfiques & produits de beauté dissimulants » ne peuvent malheureusement pas en témoigner sans le couvert de l'anonymat* compte tenu de la nature des produits fournis, mais après avoir recoupé différentes sources nous pouvons affirmer que les potions commercialisées par « La sorcière Holy, potions maléfiques & produits de beauté dissimulants » donnent d'excellents résultats.

Le témoignage recueilli nous permet de vous donner deux conseils utiles : 

- Ne vous rendez sous aucun prétexte dans la Grande Foret Obscure. Si vous voulez vous rendre en Mycosie faites le détour, éventuellement en remontant le cours du Chibre par bateau à fond plat. (Jojo Al-Hydeux, que vous trouverez à l'embouchure du Chibre, à la frontière entre l'Occiputanie et la Dévérolie, peut vous faire un prix si vous venez de ma part).

- Chez « La sorcière Holy, potions maléfiques & produits de beauté dissimulants », est un commerce sérieux et de bonne réputation, situé sur la Place Ducale de Munster, Royaume de Brie. Ne pas se fier à l'aspect extérieur de l'échoppe, victime d'une vendetta injuste du Conclave des Sorcières de la Grande Foret (Obscure).

Jean de Le Bidet, chroniqueur indépendant des Neuf Royaumes

* (couteau simple, couteau cranté, couteau à double lame, fourchette à trios dents, fourchette à quatre dents, cuillère, petite cuillère, grande cuillère, moyenne cuillère, assiette, grande assiette, assiette à dessert, bolinet, bol, grand bol, verre, grand verre, petit verre, verre à goutte, grand verre à goutte, napperon, grand napperon, serviette, serviette de rechange, crachoir, pince à escargot, casse noix, rince doigt, bassine à pisse, pot de chambre)

J'étais en train de compiler les minutes de la deuxième conférence du Bidet lorsque je suis retombé sur la chanson suivante, qui selon les représentants de Mordiou est enseignée à tous les enfants de leur royaume, et en particulier à ceux qui souhaitent embrasser une carrière maritime. (Ceci dans le cadre des réserves que les représentants de Mordiou ont souhaité exprimer quant aux services de sécurité employés pour la conférence.) Je ne résiste pas au plaisir de reproduire ici le texte en question :

Dans la Mer des Dragons,

On trouve au dessus de l'eau des marins prétentieux,

Quelques rochers vaseux et de tristes seconds :

Attristés par la bêtise crasse de leur Capitaine,

Ils prédisent à leur vaisseau un funeste destin,

Et attendent résignés l'arrivée du croque-mitaine,

Qui sans coup férir arrive à l'heure pour le festin.

Et voilà la bête terrifiante qui surgit,

Oh les grands feux ! Oh les grands cris !

Le Dragon, aussi fougueux que réjoui,

Crache de longues flammes et de plaisir rugit :

Les marins trépassent, personne ne s'enfuit,

Et sombre l'épave fumante, par les eaux engloutie.

Dans la Mer des Dragons,

On devrait trouver au fond de l'eau des marins courageux,

Mais jamais, ô grand jamais ils ne touchent le sable :

On y trouve des ancres, des planches, du cordage vaseux,

Quelques jambes de bois et des crabes bougons.

Engloutis pourtant, les marins le sont aussi, c'est inévitable, 

Mais au sec, dans le ventre rebondi du Dragon.

Pour la petite histoire, les réserves des représentants de Mordiou ont été levées une fois que le directeur de Flaminou Security leur eut assuré ne jamais consommer de marins, qu'il trouve "trop salés".

Suite à de très nombreuses demandes (au moins quatre) émanant des quatre coins des Neuf Royaumes (à l'exception du coin sud est), Jean de le Bidet poursuit son cycle de conférences œcuméniques, dont l'objectif premier est toujours de rapprocher les communautés et d'apaiser les tensions entre les Royaumes, malgré les légers incidents de la première conférence.

La deuxième Conférence de Jean de Le Bidet se tiendra dans la grande salle du Château d'Entremont, Royaume de Brie, le troisième jour du marché annuel aux Mille Fromages. Le petit déjeuner sera offert aux participants. (Avec une limitation à 25 petits pains par participant, suite aux légers débordements de la première conférence).

Thèmes principaux de la conférence :

La sodomie inter-espèces : limitations physiologiques, risques de grossesses non désirées, sanctions pénales en cas de décès du partenaire.

***

L'explosion de la consommation d'ail chez les opposants au système de don du sang pour la population vampire : conséquences à moyen et long terme pour les producteurs d'ail.

***

Utilité de la mise en place de l'interdiction de la chasse à la licorne, suite à leur récente disparition liée à la mauvaise interprétation des quotas de chasse.

***

Les princesses moches et le voile intégral : le pour et le contre.

*** 

Nous vous attendons aussi nombreux que la dernière fois.

Compte tenu des légers débordements de la première réunion (qui ont tout de même entraîné le décès plus ou moins total d'une vingtaine de participants, ce qui, malgré le divertissement procuré, est tout de même regrettable) la sécurité des conférences sera désormais assurée par la compagnie Flaminou Security.

Les armes devront être déposées à l'accueil. Seuls les Ogres qui se seront lavé les pieds seront admis dans la salle. Par mesure d'équité suite à la première réunion, tous les participants devront se laver les pieds avant d'entrer. CEPENDANT des pédiluves seront réservés aux Ogres (ceux dont l'eau sera la moins claire).
Il est demandé aux participants de ne pas cracher dans l'enceinte du château et de ne pas se soulager ailleurs que dans les fosses d'aisance. Les éventuels duels devront obligatoirement se tenir sur la grand place.

Les participants allergiques au lactose sont priés d'apporter leurs propres denrées, mais sont priés de bien vouloir égorger leur bétail à l'extérieur du château.

Partenaires de la deuxième conférence du Bidet : Royaume de Brie, Taverne de Jules, Estaminet du Chaton, Hallebardes de maitre Chanteur, Engins de Siège Hassy, Poisons et Potions des Vouivres Réunies, Sacs à mains Paricille Tonne, Onguents de la Fée Bryl, Sorts permanents du mage Broching.

Imprimé par l'imprimerie Cosette-Foyon. Royaume de l'Etang du Miroir. 
Ne pas jeter sur la voie publique.
Imprimé sur du papier mâché réutilisable avec une encre de sèche 100 % naturelle.

Le vainqueur du concours du plus mauvais pohème de l'année est connu : il s'agit de l'ineffable Orc des Marais Kar Hamel pour le pohème suivant, paru dans la revue des deux trolls ivres :

L'évanescence de Vanessa

Tous ces vers, ces rimes idiotes n'ont aucun sens,

Je ne peux rien faire, mon corps n'a plus d'essence.

A quoi ça rime ? pourquoi faire preuve de décence ?

Je suis libre, je suis libre en ton absence.

Pas de méprise, pas de méprise,

Je ne suis pas judoka

Si je suis toqué pour toi alors ok pour moi

Pas de crise, pas de crise,

Ni pleurs ni cadeaux

Je suis toqué de toi alors ok ça va.

Pour la petite histoire, l'Orc des Marais Kar Hamel a écrit ce pohème au moment où son idylle avec la princesse Sukr De Palm commençait à sentir le roussi. Dans la revue des deux trolls, le pohème est dédicacé à "Bouba le petit ourson des Cavernes".

Mise à jour : Voici le nouveau vainqueur du concours : c'est de nouveau Kar Hamel avec le pohème "K RIM"

 La seule façon d'être certain de remporter une compétition

c'est d'en être l'unique participant

Au petit matin,

Assis sur une pierre plate,

Le Troll assoupi a froid aux fesses.

Il était une fois, en Mordiou, un homme de foi qui avait perdu la sienne.

Il errait dans la lande, l'âme en peine, se nourrissant exclusivement de lavande.

Il était perdu, aux abois, allant de fourrés en buissons depuis des semaines,

Il commençait à faire des bulles et à sérieusement gîter de la bande.

Un jour d'oisiveté, le coeur léger, un Ogre le mangea. Il avait très faim.

Le curé n'était pas tendre, il était filandreux et avait un drôle de goût.

L'Ogre fut incommodé deux jours et deux nuits, il était à bout.

Le ventre en feu, il se vida entièrement et se sentit mieux dès le lendemain.

Plusieurs semaines passèrent sans que l'étron de l'Ogre ne trouve preneur.

Tous les bousiers qui s'en vinrent par là furent incommodés par l'odeur,

Au point de tous s'écrier en coeur : « Par la Sainte Motte, Mon Dieu quelle horreur ! »

Il ne faut pourtant jamais évoquer devant une crotte le nom du Seigneur.

Ce qui devait arriver arriva : de l'énorme étron naquit un petit prophète,

L'étron Cacaouète, plus connu sous le nom charmant du Petit Lavandiou.

Il sentait la merde, la lavande, jouait de la trompette et avait les yeux fous.

On le laissait prêcher de loin, il était marrant, à son passage on faisait la fête.

En répandant la bonne parole et des effluves exotiques, il répandit aussi la peste et le choléra,

Transformant les superbes terres jadis sympathiques et pleines de vie de Patatra 

En un désert vide et étrange, une lande morte que plus personne ne fréquente,

Hormis le fantôme d'un Ogre défroqué et celui d'un prêtre à l'odeur démente.

Il n'y a pas de moralité à cette histoire,

Croire ou ne pas croire, telle n'est pas la question :

Pour éviter les déboires

Ne remuez pas la chose, il n'en sort jamais rien de mignon.

N'en tirez non plus aucune conclusion

Sur des liens illusoires entre la merde et la religion.

Une question nous a été envoyée par le petit Maxime Gave, de l'école des mages mineurs d'Occiputanie :

"Si la haine nait du mépris et que le mépris nait de la pitié, peut on en conclure que ressentir de la pitié pour les gens qui vous haïssent revient à les mépriser ?"

On peut répondre à cette question par l'affirmative.

Si la pitié peut parfois n'être que du mépris enrobé de bons sentiments, elle peut également être l'expression de la compassion que l'on ressent pour la douleur ou les conditions de vie difficiles d'autrui. Dans ce cas cependant, celui qui ressent de la pitié le fait toujours d'une position qu'il estime supérieure à celui qui en bénéficie, et découle donc forcément d'une forme de jugement de valeurs, que ces valeurs soient sociales, physiques ou morales.

Le fait que ce jugement soit fondé sur une réalité tangible ne diminue en rien le fait que le bénéficiaire de la pitié ressentira souvent une forme de jugement défavorable de la part de celui qui lui en fait don.

Pour illustrer ces propos, vous pouvez méditer sur la réplique célèbre de l'Orc Noir Elvira Coursy à ses camarades après qu'un requin lui eut dévoré les deux jambes d'un coup de dent lors d'une partie de pêche au large des côtes du Cap Pif :

Gardez moi de votre pitié, je me garderai de vous la reprocher.
Assurez moi de votre amitié, c'est tout ce que je vous demanderai,
Avec un coup de main pour monter sur le ponton, une fois revenus à quai 

Jean de le Bidet, Chroniqueur indépendant des Neuf Royaumes

AVIS DE BANNISSEMENT DES ENFERS

Par la présente, nous, Archidémon Xarfis Kalikalakilafalaris, Archijuge de l'Orthodoxie Démoniaque du 8ème cercle des enfers, après avoir entendu la prévenue, déclarons coupable Simone la Démone de toutes les accusations portées à son encontre par le ministère des Enfers, à savoir :

• Crime de Gentillesse. (article 424 alinéa 4 du code des Enfers)

• Refus d'accomplir son devoir sacré de torture envers les condamnés (article 471 alinéa 8 du code des Enfers)

• Compassion, assistance et soins aux condamnés. (article 475 alinéa 66 du code des Enfers)

• Conduite inconvenante à l'encontre d'un Archidémon du Quatrième cercle. (article 132 alinéa 5 et 22 du code des Enfers)

• Propos séditieux à l'encontre de Lucifer. (article 186 alinéa 74 du code des Enfers)

• Prosélytisme anti démoniaque. (article 241 alinéa 59 du code des Enfers)

• Tentatives répétées d'endoctrinement et de recrutement en vue de création d'une cellule terroriste anti démoniaque au sein du 8ème cercle. (article 247 alinéa 28 du code des Enfers)

En conséquence prononçons le bannissement éternel immédiat de Simone la Démone des Enfers, avec peine incompressible de sûreté de 40 années et confinement sur le continent des Neuf Royaumes.

Aucune demande de réintégration ne sera étudiée avant ce délai de 40 ans. Passé ce délai une réintégration probatoire pourra lui être accordée aux conditions suivantes :

• Avoir assassiné, torturé, violé ou terrorisé (panachage possible) au moins 50 habitants des Neuf Royaumes (bipèdes et dotés d'une conscience) au cours de chacune des 40 années d'exil.

• Ne pas avoir été renvoyée aux portes des enfers par les forces anti démoniaques locales (renvois magiques ou destructions d'enveloppes corporelles) plus de 10 fois sur la période. Au delà du 10ème renvoi, une nouvelle durée incompressible de 40 ans serait alors mise en œuvre.

• Avoir renvoyé (renvois magiques ou destructions d'enveloppes corporelles) au minimum un Ange par année d'exil.

• Avoir déclenché au minimum un conflit armé majeur sur le continent d'exil par période de 10 ans. (Pertes totales supérieures à 2 % de la population totale)

• Avoir répandu au minimum une épidémie majeure sur le continent d'exil par période de 10 ans. (Pertes totales supérieures à 5 % de la population totale)

Des preuves tangibles devront être fournies pour chacune des tâches ci dessus énumérées. Des documents juridiques certifiés devront être fournis, établis par les autorités compétentes des Royaumes concernés, sauf pour les destructions d'Anges pour lesquelles les trophées devront être produits.

 Le ouï-dire et les articles de presse ne seront pas acceptés comme éléments de preuve.

Les ailes d'Anges devront avoir été conservées conformément aux règles de l'art, dans des jarres remplies de bile de Licorne colmatées par des scrotums séchés de Vouivres et scellées au cérumen d'Ogre. Les trophées en mauvais état de conservation à l'ouverture des jarres ne seront pas comptabilisés.

Toute tentative de sortie hors du continent d'exil fera l'objet d'un renvoi immédiat aux portes des Enfers, et ce renvoi sera décompté des 10 renvois autorisés sur la période.

Simone la Démone ne pourra emporter dans son exil aucune de ses possessions démoniaques. Le corps dans lequel elle sera incarnée sera imposé par le service de Renvoi des portes des Enfers, sans possibilité d'appel.

Dans le cadre de son bannissement, Simone la Démone sera déchue de ses pouvoirs démoniaques majeurs (téléportation, boule de feu, cri paralysant, toucher mortel, insensibilité à la douleur). Elle sera exilée avec son pouvoir de séduction mineur, ses capacités magiques natives (insensibilité au feu, métamorphose temporaire, malédictions mineures, décorporation astrale) et ses compétences acquises en magie noire, potions et charmes.

Toute période d'asservissement au service d'un mage noir, par négligence ou volontariat, sera décomptée de la période de 40 années. Ni les trophées acquis, ni les victimes répertoriées au cours de ces périodes d'asservissement ne seront pris en compte, pas plus que les éventuelles épidémies répandues ou conflits déclenchés.

Pour faire valoir ce que de droit et exécution immédiate par le service de Renvoi.

Ce jugement n'est pas susceptible d'appel.

Archidémon Xarfis Kalikalakilafalaris, Archijuge du 8ème cercle des Enfers.

Il est de tradition chez les Orcs de haut lignage de faire visiter leur nouveau né par une Fée.

En général celle ci débite rapidement quelques lieux communs sur le destin du petit braillard, le plus souvent un mélange de vagues prémonitions à base de glorieuses batailles et de victoires sur l'ennemi. Elle mange ensuite une part de gâteau Orc (à la graisse d'Ours) du bout des dents, empoche ses émoluments puis s'en retourne à ses potions dans son laboratoire.

Le jour où la Fée Bryl fut mandée au Duché des Orcs Noirs de Mordiou, elle arriva en grommelant dans sa barbe contre ces traditions ridicules. Prédire l'avenir d'un nourrisson en lisant les lignes de ses pieds, n'importe quoi !

Mais puisqu'il faut bien vivre, elle arbora son plus grand sourire lorsque l'intendante de la maison lui ouvrit la porte et la conduisit près du berceau.

Etaient rassemblés dans la pièce les parents de l'enfant, Pat et Prépus Hétik, la grande sœur du nouveau né, Sépa et son frère, Sépo. Tous avaient l'air à la fois déconfits et horrifiés.

Intriguée, la Fée Bryl se rapprocha du berceau : en cent vingt sept ans, elle avait vu beaucoup de choses, mais elle n'avait jamais vu ça.

La décence et le comité de censure m'interdisent de vous décrire par le détail le contenu du berceau, mais soyez certains que c'était horrible. Il y avait là dedans au moins quatre jambes, six bras (sans compter les tentacules), et des dents à n'en plus finir, jusqu'à des endroits qui ne sont pas supposés en abriter.

Mais à part ça, le nouveau né n'était pas si laid, si on ne regardait pas tous les morceaux en même temps.

La Fée Bryl eut deux ou trois haut le cœur, mais parvint à les contenir grâce à une technique de relaxation qui lui avait été enseignée jadis par un mangeur de rats morts de la foire de Karamail.

Elle ferma les yeux et choppa le premier pied qui lui tomba sous la main. Le premier pied était un tentacule, elle le relâcha en poussant un petit cri d'effroi tandis qu'un long frisson lui parcourait l'échine de haut en bas.

Elle venait d'avoir une vision ! La première en plus de cent années d'exercice !

A moitié tétanisée, tremblotante, elle se retourna vers la famille, qui n'en menait pas large non plus.

          - Je crains de devoir en référer à une autorité supérieure, le destin de votre fils me dépasse, il nous faut appeler un Mage Noir pour l'évaluer. 

A ces mots, la famille Hétik sembla se recroqueviller sur elle même. Hormis les Démons, les Orcs Noirs ne craignent personne davantage que les Mages Noirs.

La Fée Bryl appela donc aussitôt un Mage Noir par incantation. Elle connaissait très bien (trop diraient ses sœurs) le Mage Noir Marcel Offane, et elle réussit à le contacter du premier coup. Après quelques explications rapides, au vu de l'urgence de la situation le Mage décida de se téléporter séance tenante près du berceau. Il calcula mal son coup et se retrouva à moitié matérialisé dans un mur de la maison, ce qui fut très douloureux, et pour le Mage, qui devint tout bleu, et pour le mur de la maison, qu'il fallut casser pour libérer le Mage Marcel.

Après cette mésaventure imputable aux grandes marées d'équinoxe (en vérité des problèmes de calcul, le Mage Offane étant nul en trigonométrie), et une fois redevenu présentable, le Mage se rapprocha du berceau, où il perdit immédiatement connaissance, à cause du contrecoup de la téléportation râtée selon lui.

Après l'administration d'un petit cordial, le Mage Offane reprit ses esprits et se rapprocha en tremblotant du berceau. Après avoir effleuré timidement un tentacule du petit Eugène, il manqua de s'évanouir à nouveau. Il se retourna vers la famille, décomposé, et leur annonça :

          - Le petit Eugène est le portrait craché d'un Mage Noir tristement célèbre, mort depuis des siècles : Le Mage Bellefigur. Et le Toucher Prophétique confirme qu'il s'agit bien d'une renaissance du Mage. Ce n'est pas le Mage, il n'en a ni les souvenirs, ni les connaissances, mais il en a assurément les capacités. Et elles sont immenses, croyez moi. Si cet enfant ne reçoit pas une éducation adaptée, il peut devenir très vite un danger mortel pour tout les membres de son entourage, mais aussi pour tout les habitants des Neuf Royaumes.

          - Que devons nous faire, ô puissant Mage ? lui demanda Prépus Hétik.

       - Confiez le moi, je le conduirai au synode des Mages Noirs, qui pourvoira à son éducation. Lorsqu'il aura 5 ans, il intégrera l'école des Sombres Monts dans une classe spéciale pour les Mages. Dès qu'il aura maîtrisé ses dons, vous pourrez le voir régulièrement sans risques et le reprendre chez vous pour de courtes périodes. Si vous choisissez de le garder chez vous sans prendre en charge son éducation magique, un funeste destin nous attend tous !

          - Nous ferons selon votre souhait, ô puissant Mage, dit Prépus, partagé entre le soulagement de voir son fils pris en charge par des gens compétents et la tristesse de le voir partir du foyer aussi tôt.

C'est ainsi, malgré les sanglots déchirants de Pat Hétik, que le Mage Marcel Offane conduisit le nouveau né au synode, moins de deux journées après sa naissance. Comme on dit toujours avec le Mage Marcel Offane : emballé c'est pesé !

 ---

Dès que le synode fut réuni, deux points de vue s'affontèrent : celui qui souhaitait que l'on éxécute l'enfant avant qu'il ne puisse devenir un danger mortel pour tous, et celui qui voulait se servir de ses capacités magiques extraordinaires pour conduire des expériences démoniaques.

La Fée Bryl, invitée au synode en qualité de témoin, fut horrifiée par la teneur de ces discussions. Elle décida de s'emparer de l'enfant et de s'enfuir avec lui. Il se murmure que le Mage Offane lui facilita la tâche, mais rien ne fut jamais prouvé.

Elle se réfugia là où se réfugient les Fées : en Pays Troll, où la famille d'Eugène vint les rejoindre en toute discrétion peu de temps après.

La Fée fit de son mieux pour apprendre à Eugène à maîtriser ses capacités magiques. Avec, avouons le, quelques échecs. C'est au cours de cette période que de grands incendies touchèrent régulièrement le Pays Troll, Eugène ayant la particularité de lancer des boules de feu à la moindre contrariété.

En grandissant, Eugène devint moins colérique. Entouré de l'amour de sa famille, il apprit à contrôler la magie qui bouillait dans ses veines. Il finit par se spécialiser en botanique, la matière préférée de la Fée Bryl, et il est devenu grand maître en herboristerie.

Il vit aujourd'hui au grand jour avec toute sa famille, sous une identité d'emprunt. Il maitrise parfaitement les sorts de dissimulation qui lui permettent de passer au vu de tous pour un Orc Noir normal. Il est toujours recherché assidument par le synode des Mages Noirs, bien que nombre d'entre eux aient mystérieusement disparu au cours de leurs recherches.

A tout moment, Eugène Hétik peut devenir un Mage Noir Maudit, au potentiel destructeur inégalable. Il en a les capacités.

Entouré de sa famille, épaulé par la Fée Bryl, il préfère cueillir des fleurs et faire pousser des plantes. Rien ne lui plait davantage que de préparer des onguents pour soulager les articulations des citoyens des Neuf Royaumes.

Comme quoi la peur du danger est parfois plus redoutable que le danger lui même.

Un exécuteur de Fées, ce n'est pas souvent drôle,

Horace Poutyn ne déroge pas à la tradition.

Il parcourt le Royaume de Brie pour assumer son rôle :

Débusquer la Fée avec sérieux et conviction,

Pour mieux la dépecer, la ficeler, la farcir, l'embrocher et la rôtir.

On chasse la Fée depuis la nuit des temps :

Déclarées nuisibles par les fameux édits Royaux

Du bon Roi Alphonse Denlemur-Hépertédan,

Roi créateur de la guilde des Tueurs Sénéchaux,

Des exécuteurs sans pitié chargés d'arracher aux Fées leurs derniers soupirs.

Horace Poutyn a cependant le cœur lourd :

Tueur Sénéchal depuis déjà vingt cinq ans,

Il a vu la population des Fées diminuer de jour en jour.

D'une trentaine de monstruosités aux yeux charmants

Qu'il éradiquait par an dans ses jeunes années à la cour,

Pas une seule à son tableau depuis huit saisons, il en a perdu le sourire.

C'est pourquoi il s'est décidé à chasser ses proies

Dans les endroits les plus dangereux et les plus reculés.

Il arpente donc depuis deux jours le Pays Troll pour la première fois.

Et aujourd'hui, ô joie, ô félicité ! Il en a enfin trouvé !

Il est tombé dessus par pur hasard, une nichée de choix !

Elles se sont envolées mais la piste est fraîche : il va les retrouver sans coup férir.

Il y en a deux noires, trois vertes et une couleur d'azur.

C'est cette dernière qu'il convoite le plus, car c'est la plus rare,

Il se lance donc à sa poursuite dare-dare et part à toute allure,

Peu lui chaut de troubler la canopée ou qu'il fasse bientôt nuit noire,

Il attend ce moment depuis trop longtemps pour lui laisser plus de quelques encablures.

Abandonnant toute mesure, il s'enfonce dans les bois en clamant haut et fort sa devise : vaincre ou périr !

Le dira t-on jamais assez : les Trolls sont des êtres pleins de douceur,

Il suffit dans leur voisinage de respecter quelques règles élémentaires :

Se délester immédiatement de tous ses objets de valeurs,

Leur apporter quelques chèvres, gage d'amitié à vocation alimentaire,

Et surtout, surtout : ne jamais les réveiller dans leur sommeil de la première heure.

C'est un fait connu : si vous beuglez dans la nuit à la poursuite d'une Fée en Pays Troll, ça risque de mal finir.

D'ailleurs, de mémoire de Troll, jamais on avait vu pareil carnage.

De l'exécuteur de Fées, il ne reste rien, pas même un bouton de culotte.

Des témoins sérieux affirment même que dans un accès de rage,

Le Troll Ybrius l'aurait confondu avec une courgette ou une carotte :

Il l'a découpé en rondelles comme un chef cuisinier victime de surmenage.

Alors non, la tombée de la nuit n'est pas le moment idéal pour chasser la Fée, c'est même le pire.

Les Fées en rigolent encore, voilà bien l'essentiel.

C'était leur dix huitième visite de Sénéchal cette année,

Et elles battent toujours vigoureusement des ailes. 

Le Pays Troll n'attire guère mais les Fées, elles, ne veulent sous aucun prétexte en partir.

Pour mieux vous repérer dans notre contrée des Neuf Royaumes, Vous trouverez ici une carte aimablement mise à notre disposition par l'archiviste Royal Anaskri Bouillard.

Celui ci tient à nous préciser qu'il s'agit d'un travail de jeunesse, incomplet et entaché de quelques erreurs factuelles sans conséquences.

Carte non contractuelle. Toute modification des côtes liée à une attaque de monstres marins postérieure à la réalisation de ce plan ne pourra être opposée au dessinateur. En cas de naufrage, contacter directement les services de la Marine Royale des côtes concernées pour l'organisation des secours.

Note : l'auteur a volontairement oublié de dessiner les nombreuses îles qui entourent le continent, à la demande des habitants concernés qui ne souhaitent pas recevoir de visites impromptues.

Suite à de très nombreuses demandes émanant des quatre coins des Neuf Royaumes, Jean de le Bidet inaugure son premier cycle de conférences œcuméniques, dont l'objectif premier sera de rapprocher les communautés et d'apaiser les tensions entre les Royaumes.

La première Conférence de Jean de Le Bidet se tiendra dans la salle B12 du Château Royal du Royaume des Vertes Collines, le premier Mourdi suivant le marché annuel de Trouvail sur Magot. Le petit déjeuner sera offert aux participants.

Thèmes principaux de la conférence :

Les délais de prise en charge pour les Fées Mères : propositions concrètes.

Pour ou contre la mise en place d'un système de don du sang pour la population vampire ?

Débat autour de la mise en place d'un quota annuel inter-royaumes de chasse aux Licornes.

Les princesses moches : mythe ou réalité ?

Nous vous attendons nombreux.

Les armes devront être déposées à l'accueil. Seuls les Ogres qui se seront lavé les pieds seront admis dans la salle. 
Il est demandé aux participants de ne pas cracher dans l'enceinte du château et de ne pas se soulager ailleurs que dans les fosses d'aisance.

Imprimé par l'imprimerie Cosette-Foyon. Royaume de l'Etang du Miroir.
Ne pas jeter sur la voie publique.
Imprimé sur du papier mâché réutilisable avec une encre de sèche 100 % naturelle.

Rapport d'évaluation du Sergent Chef Instructeur Kover.

Candidat : Aspirant Agent Flaminou

Rapport préliminaire : le candidat Flaminou s'est présenté au camp de recrutement des Agents Secrets du Royaume de l'Etang du Miroir avec une lettre de recommandation signée de la main du Roi, lettre nous demandant de passer outre l'article 3.48 du code de recrutement des agents (article excluant les individus de race non humanoïde de la sélection).

Très étonné par cette lettre de recommandation, le Lieutenant Sissi a dépêché une estafette pour confirmation. La confirmation a été donnée d'incorporer le candidat Flaminou aux épreuves de la sélection annuelle des agents secrets du Royaume.

Dont acte.

Incorporation : en l'absence de vêtements à la taille de l'Aspirant Flaminou, une dérogation à l'article 4.87 du code de recrutement a été établie : l'Aspirant Flaminou a été dispensé de la tenue réglementaire pendant la durée de la sélection. Le Chef Troussier a tout de même fourni un casque à l'aspirant, en ayant l'idée d'utiliser une marmite régimentaire, dans laquelle il a fait percer des trous pour le passage des oreilles et des cornes de l'Aspirant. Le maître tailleur nous a par ailleurs informé que l'uniforme de parade de l'Aspirant Flaminou ne pourrait être réalisé à temps si il parvenait à terminer les épreuves, mais qu'il pourrait fournir une toge fabriquée à partir d'une quarantaine de paires de draps.

Il a été toutefois remis l'équipement de base à la recrue : un sac à dos, des rations de nourriture séchée pour les neuf jours d'épreuve, son livret d'instruction et le javelot réglementaire. Nous aurons l'occasion de revenir sur l'inadéquation de cet équipement avec le caractère unique de l'Aspirant dans le paragraphe « comportement ».

JOUR 1 : Tests sur les connaissances de bases.

Après avoir reçu les plaintes des autres aspirants de la sélection au sujet de la présence d'une « bête » énorme qui a émis des gaz insupportables dans le dortoir toute la nuit, les tests de base ont pu débuter.

Résultats de l'Aspirant Flaminou :

Maîtrise de la langue : 8/10 (expression orale correcte malgré un léger défaut d'élocution / aucune difficulté de lecture)

Maîtrise du calcul : 10/10 (exerce une profession commerciale)

Maîtrise de l'écriture : 0/10 (ne dispose pas des capacités physiques pour écrire avec le matériel mis à sa disposition) L'aspirant a tenu à faire figurer la réclamation suivante sur son évaluation : "crayons trop petits". 

Connaissances militaires : 1/10 (aucune période militaire avant le début de la sélection). 

Connaissances géopolitiques : 8/10 (importante activité commerciale inter-Royaumes. Bonnes connaissance des structures politiques et des monnaies en vigueur)

Condition physique : 10/10. Le candidat a battu tous les records du camp. A été dispensé du parcours du combattant après avoir détruit les quatre premiers obstacles.

A l'issue des épreuves du Jour 1, l'Aspirant Flaminou a demandé à l'un des sergents instructeur où se trouvait la cantine. Après avoir répondu qu'il n'y avait pas de cantine et qu'il devrait se contenter de la nourriture sèche remise la veille, le Sergent Bouldegomme a été admis à l'infirmerie pour des brulures légères, mais il n'a pas souhaité établir de rapport disciplinaire, convaincu du caractère involontaire de l'incident.

JOUR 2 : Tests de furtivité et d'infiltration.

Avant le début des épreuves du jour, le Lieutenant Sissi a reçu une plainte officielle pour un vol de chèvre de la part d'un fermier des environs, et nous avons constaté la disparition de 12 des 43 Aspirants au cours de la nuit, fait unique dans les annales du recrutement des agents secrets.

Les tests de furtivité et d'infiltration ont tous été ratés par l'Aspirant Flaminou. Celui ci a boudé une bonne partie de l'après midi après avoir échoué à infiltrer un donjon dont la porte n'était visiblement pas assez large pour sa corpulence, surtout après le refus du Lieutenant de le laisser « l'élargir un peu ». L'aspirant a tenu à faire figurer la réclamation suivante sur son évaluation : "les portes sont trop petites". 

A sa décharge, les tests n'étant pas conçu pour son espèce, le Lieutenant Sissi a convenu que sa note de 0/10 ne serait pas éliminatoire.

Nombre d'aspirants restant enfin de journée : 30

JOUR 3 : Test « Espionnage »

Echec total pour les épreuves standard, mais une note de 10/10 pour les reconnaissances aériennes suggérées par l'Aspirant dans les épreuves de reconnaissance des forces ennemies.

L'aspirant a tenu à faire figurer la réclamation suivante sur son évaluation : "absence de déguisement à ma taille pour le test d'espionnage". 

Nombre d'aspirants restant en fin de journée : 30

JOURS 4 et 5 : Test Survie en milieu hostile

L'aspirant Flaminou a été déposé dans le Désert du Kilalalari, sans vivres, sans eau et sans abri. Avec pour unique mission de survivre deux jours.

En raison de la sécheresse des derniers mois, trois aspirants n'ont pu être ranimés à l'issue de l'épreuve, et deux autres n'ont pas été retrouvés à ce jour.

Lors du débriefing de fin d'épreuve, les candidats ont détaillé les techniques de survie employées pour résister à la chaleur des journées, l'absence d'eau et de nourriture, et aux prédateurs nocturnes. L'aspirant Flaminou a déclaré : « J'ai dormi presque tout le temps. Quand je mange trop de serpents, ça me fait dormir ». Note : 10/10

A l'issue de l'épreuve il restait 22 Aspirants.

JOUR 6 : Test « Exfiltration / Exécution »

Les épreuves ont pris du retard suite à une manifestation matinale d'éleveurs de chèvre devant les grilles du camp. Les aspirants ont eu pour mission de "disperser" la manifestation. Le choix du verbe "disperser" s'est avéré malheureux au regard de la nature particulièrement enthousiaste et zélée d'un des aspirants de la promotion. Je profite du présent rapport pour réclamer l'envoi d'éleveurs de chèvre pour remplacer les disparus. Une dizaine de boucs serait également nécessaire pour reconstituer le cheptel local, mystérieusement décimé aux cours de la présente session de recrutement.

Après cet incident, le test d'exfiltration / exécution a pu débuter. L'aspirant Flaminou a démontré des capacités exceptionnelles pour cet exercice, grâce à une technique de piqué / lancé de pierre d'une grande précision. L'Aspirant a déclaré avoir été formé par le plus grand professionnel vivant de l'exfiltration dès son plus jeune âge. Note de 10/10

A l'issue de l'épreuve, il restait 19 Aspirants.

JOUR 7 : Championnat de lutte des Aspirants

L'Aspirant Flaminou a été dispensé de cette épreuve après le 3ème tour, à la demande de l'infirmerie du Camp. Attribution de la note maximale de 10/10. 

A l'issue de l'épreuve il restait 16 Aspirants.

JOUR 8 : Mise en Situation réelle dans le cadre d'une mission.

Cette journée a été détaillée dans le rapport Secret Défense intitulé « La journée du déluge de feu en Dévèrolie. »

L'Aspirant était impliqué dans ces évènements, et a reçu une médaille pour son action. Nous supposons donc que son action a été jugée favorablement par les plus hautes instances du Royaume. Note : 10 /10

A l'issue de l'épreuve il restait 9 Aspirants.

JOUR 9 : Evaluation finale

Aptitudes :

Malgré une morphologie inadaptée à certaines épreuves, l'Aspirant a démontré des capacités hors normes et une ingéniosité remarquable.

Comportement :

De caractère têtu, l'Aspirant a fait preuve tout au long des épreuves d'une approche très personnelle de l'obéissance, démontrant un penchant certain pour la bouderie et le grommellement. Bien que soupçonné par l'ensemble de la hiérarchie du camp dans l'affaire des disparitions des chèvres des alentours, aucune preuve n'a pu être retenue à son encontre. Ce qui nous conduit à réviser à la hausse notre évaluation en matière de furtivité pour l'Aspirant Flaminou, au moins pour les activités nocturnes.

D'un point de vue disciplinaire, il faut noter que l'Aspirant n'a pas restitué l'ensemble de son équipement à la fin de son évaluation. Selon ses déclarations, il aurait mangé son sac à dos avec son contenu arguant de l’absence de mode d'emploi pour la consommation de la nourriture séchée. Seule la hampe du javelot a été rendue au Chef Troussier, la pointe ayant disparu. L'Aspirant a déclaré qu'il l'avait avalée par mégarde lors d'un curage de dents intensif, et qu'il la restituerait dès qu'elle serait « ressortie ». Le Chef Troussier, avec l'accord du Lieutenant Sissi, lui a proposé de la conserver comme souvenir.

PAR CES MOTIFS :

Compte tenu des ses qualités et dimensions atypiques, le comité d'évaluation préconise la création d'un nouveau poste d'Agent Secret « Triple Zéro » spécifiquement adapté aux capacités de l'Aspirant Flaminou. Les missions de cet agent devraient être exclusivement consacrées au tâches suivantes :

• Opérations de diversion

• Assaut

• Exfiltration

• Bombardement ciblé

• Destruction d'infrastructures civiles ou militaires.

L'Agent ne devra EN AUCUN CAS se voir confier des tâches du type :

• Infiltration

• Espionnage

• Comptage de troupeaux

Le maître tailleur nous informe que l'uniforme de parade de l'Aspirant Flaminou sera terminé pour la fin de la saison sèche. (Il a par ailleurs déposé une demande de retraite anticipée).

Sergent Chef Instructeur Harry Kover.

Camp Thine.`

Extrait du cours de Mademoiselle Kation, cours de magie blanche de 1ère année.

Reproduction intégrale de l'intervention de Foudre De Scampette, Faufileuse Royale.

« Bonjour jeunes gens. Je m'appelle Foudre De Scampette, et je vais vous parler aujourd'hui de mon métier : je suis Faufileuse Royale.

Il y a toujours dans chaque grande bâtisse, surtout les maisons anciennes, une trappe qui donne accès à des combles, un grenier inutilisé, une cave abandonnée. Depuis ma plus tendre enfance, ces espaces là m'attirent, m'intriguent, m'aspirent. 

Caches de contrebande, passages secrets pour échapper aux razzias ou espionner ses invités, tunnels d'évacuation, chambres de tortures dissimulées, oubliettes oubliées, chambres au trésor : il est bien rare que les bâtiments anciens soient dépourvus de cachettes ou de salles dissimulées.

Leur découverte est toujours une source d'exaltation, mais ce n'est rien au regard de la découverte d'un niveau secret, véritable objectif des Faufileurs. Ce sont des niveaux chimériques qui ne peuvent être découverts que sous forme astrale. Il peut s'agir d'une simple pièce, mais le plus souvent il s'agit d'étages chimériques complets.

J'ai toujours été passionnée par ces niveaux secrets. J'étais encore dans mon berceau que j'explorais déjà au cours de voyages astraux nocturnes les niveaux secrets des maisons de ma famille, sans savoir alors qu'ils existaient réellement, et sans aucune notion du danger qui me guettait.

Le fait d'être née dans une famille prestigieuse d'Elfes Gris m'a probablement évité le pire.

C'est une fée qui, alors que je l'avais surprise en train de fureter dans l'étage secret du manoir de mon Oncle Lucius, s'est décidée à prévenir ma famille le lendemain matin. A l'époque j'avais 6 ans et j'étais persuadée qu'il ne s'agissait que de rêves. Voir la fée de mon rêve de la nuit précédente en train de prendre le thé avec mes parents fut un véritable choc.

C'est ainsi que j'ai rejoins dès l'âge de 7 ans l'institut de formation des voyageurs astraux du Mage Canonik, en Devérolie, pour une formation de deux ans. Les Magiciens, les Fées, la plupart des espèces aux capacités magiques prononcées comme les Elfes peuvent aussi prendre une forme astrale et pénétrer dans les niveaux secrets, mais pour cela ils doivent prendre des potions dangereuses et suivre une formation très longue avant de pouvoir y parvenir. Pour les Faufileurs natifs comme moi, et peut être certains d'entre vous, c'est beaucoup plus simple.

La technique de base consiste à dormir dans le bâtiment à explorer après l'avoir arpenté au moins une journée, en avoir si possible repéré toutes les cachettes, et essayer de visualiser où pourrait se situer le niveau secret avant de s'endormir. La motivation principale du Faufileur, c'est sa curiosité. C'est elle qui lui permet de prendre sa forme astrale dès qu'il s'endort.

Il y a un lien direct entre les cachettes et les points d'entrée, d'où la nécessité de bien fouiller la maison avant de tenter l'aventure, sinon on passera la nuit à errer dans la demeure sans jamais trouver de point d'entrée. C'est très frustrant de ne pas trouver de point d'entrée au cours d'une nuit de recherche, mais pour les Faufileurs expérimentés cela signifie généralement qu'il n'y a pas de niveau secret dans la bâtisse.

Lorsqu'il y en a un, le plus souvent, il se trouve dans les derniers étages. Les Faufileurs demandent donc souvent à dormir dans les greniers ou dans des chambres de bonnes conçues pour des Gobelins de taille moyenne. Mais le jeu en vaut la chandelle.

Quelle extase lorsque vous trouvez l'entrée d'un niveau secret inexploré, vide le plus souvent, mais aussi parfois avec des habitants étranges et des bêtes fabuleuses, le plus souvent inoffensives. C'est d'ailleurs préférable, car à l'état astral le Faufileur est très vulnérable et n'a pas beaucoup de moyens de défense contre les goules et les spectres qui hantent parfois ces niveaux, hormis le réveil brutal, toujours douloureux, parfois mortel.

Chaque découverte annonce deux épreuves : se souvenir du point d'accès du niveau secret à son réveil, et réunir un triumvirat de magiciens primaires pour le concrétiser dans notre réalité, si le propriétaire souhaite l'exploiter. En fonction de la taille du niveau secret, le triumvirat nécessaire évolue, et souvent, faute de finances, il est impossible à réunir. Réunir deux licornes et un Dragon, par exemple, n'est pas à portée de toutes les bourses. On inscrit alors le niveau secret dans les "niveaux à affranchir" de la guilde des Faufileurs, en espérant plus ou moins que l'on pourra réunir un triumvirat plus tard. Car, si c'est grâce à la concrétisation des niveaux que nous gagnons notre vie, à chaque fois que nous faisons apparaitre un niveau secret dans la réalité, il devient réel et accessible à tous... C'est toujours un petit déchirement pour les Faufileurs.

A ce jour, il n'y a que de rares cas de nouveaux niveaux secrets apparus dans un bâtiment ayant déjà concrétisé un niveau secret dans le passé. L'afflux magique est toujours très fort dans ces bâtiments là, ce sont souvent des demeures de Mages puissants ou de Fées expertes en incantations. On pense que les niveaux secrets se créent avec la magie mise en oeuvre dans le bâtiment au fil des ans, c'est pourquoi plus la bâtisse est vieille, plus il y a de chances d'y trouver un niveau secret. De la même façon, il sera plus facile de découvrir un niveau secret dans une maison d'Elfes magiciens que dans une maison de marchands Orcs, mais ce n'est pas une règle absolue, il y a parfois des surprises chez les marchands Orcs...

On sait que les demeures dans lesquelles la magie noire est (ou a été) à l'oeuvre renferment des niveaux secrets terrifiants, la plupart du temps sous les caves. Mais personne ne veut les explorer, et ne comptez pas sur moi pour m'y rendre. J'ai déjà eu l'occasion de visiter un niveau Noir par mégarde, lors d'une visite officielle chez un mage à la réputation douteuse, et je ne suis pas prête à renouveler l'expérience, croyez moi. Seuls les Faufileurs-Mages les plus téméraires s'y risquent. Mais les Faufileurs-Mages font partie d'un corps d'élite de la profession, ils sont en mesure de se défendre contre les attaques des créatures hostiles avec leurs sorts offensifs.

Pour ma part, chaque nuit, je glisse le long des couloirs obscurs, je cherche les points d'accès, et quelquefois, avec de la chance, j'explore des niveaux qui n'existent pas dans notre réalité. Parfois, ils sont immenses, certains niveaux secrets sont explorés par des équipes de Faufileurs pendant des années avant d'avoir livré tous leurs trésors. Il se murmure même que certains niveaux secrets contiendraient eux même des niveaux secrets, mais c'est probablement une légende.

J'ai découvert récemment un niveau secret qui contenait dix fois plus d'étages que la demeure d'origine. Mais, petits ou grands, la découverte d'un niveau secret est toujours un moment magique. Je n'échangerais mon métier pour rien au monde.

Le seul véritable inconvénient du métier de Faufileur, c'est le décalage horaire : vous travaillez la nuit et dormez véritablement le jour. C'est pour cette raison que l'on nous confond souvent avec les Vampires ou les Voleurs et que nous avons mauvaise réputation. On pourrait pourtant explorer les niveaux secrets de journée, mais le silence de la nuit est pour nous un gage de sécurité. Et c'est tellement plus marrant d'explorer l'inconnu dans l'obscurité !

Bon, je vois Mademoiselle Kation qui commence à tapoter du pied, c'est signe que je suis trop longue... J'en finis donc ma présentation :

Si vous croyez avoir déjà eu des expériences astrales nocturnes au cours desquelles vous avez exploré des endroits inconnus, vous avez peut être le Don du Faufileur. Si vous voulez en apprendre plus sur les Faufileurs, vous êtes les bienvenus à la nuit d'information qui aura lieu dans votre école ce soir. Mais pour cela, vous devrez entrer pendant votre sommeil dans le niveau secret de votre école. Je vais vous aider : le point d'accès du niveau secret se trouve au fond de la cheminée du grand réfectoire. Seuls les très rares élèves ayant un don pour le Faufilage, beaucoup de curiosité et la volonté de me rejoindre ce soir pourront y pénétrer, mais je ne doute pas de revoir quelques uns d'entre vous cette nuit. Pour les autres, ne vous inquiétez pas, vous avez surement un autre don magique qu'il vous faudra découvrir au cours de l'année. Mademoiselle Kation est là pour ça.

Aux chevaucheurs de nuages je dis à ce soir, et à tous les autres dormez sans craintes : cette nuit les Faufileurs veilleront sur vos rêves. »

Flaminou Express

Transports rapides ailés

Tous Royaumes

TARIFS :

Courrier express (3 jours garantis) : 2 pièces d'or.

Attente de réponse et courrier en retour : 1 pièce d'or.

Messager express (3 jours garantis) : 4 pièces d'or.

(le messager ne doit pas avoir pris de repas dans les 12 heures précédant le vol)

Attente de réponse et messager en retour : 3 pièces d'or.

Messager express délicat (4 jours garantis) : 6 pièces d'or.

(tarif spécial pour messagers sujets au mal de l'air.
Le décès du messager au cours du vol ne pourra faire l'objet d'aucune indemnisation)

Attente de réponse et messager délicat en retour : 4 pièces d'or.

Supplément nettoyage  : 1 pièce d'or.

Effrayement de bons citoyens express : 6 pièces d'or

Supplément jets de flammes  : 1 pièce d'or.

Transport de fret express : 12 pièces d'or

(limité au poids de 5 Ogres adultes)

Retour de fret dans le cadre d'un troc ou de contrebande inter-royaume : 12 pièces d'or.

Les marchandises de contrebande devront être emballées dans des emballages opaques.

Bombardement ciblé simple passe express : 15 pièces d'or.

(rocher simple ou grêle de petite roche)

Bombardement ciblé double passe express : 35 pièces d'or

(seconde passe uniquement en cas d'objectif non atteint à la première passe)

Bombardement ciblé avec garantie de destruction d'objectif express : 70 pièces d'or.

Supplément pour destruction complète par le feu : 50 pièces d'or

Enlèvement de Princesse express : 100 pièces d'or.

(supplément d'1 pièce d'or par jour de détention. 2 pièces par jour si la Princesse chante).

Toute blessure incapacitante infligée par le Chevalier délivrant fera l'objet d'une indemnisation basée sur le barème de la Guilde des Dragons.

Autres prestations : nous consulter.

Devis gratuit.

Chaque prestation donne droit à un point de fidélité.
Pour 5 points de fidélité Flaminou peut démarrer votre barbecue ou votre feu de cheminée pour épater vos invités.
(Sous réserve d'engagement sur une autre mission)
Pour 10 points de fidélité, Flaminou donne un baptême de l'air d'une demi heure.
(sous réserve que le bénéficiaire n'ait pris aucun repas au cours des 12 heures précédant le vol)

Flaminou Express, et tous les Royaumes sont à portée d'ailes.

Imprimé par l'imprimerie Cosette-Foyon. Royaume de l'Etang du Miroir.
Ne pas jeter sur la voie publique.
Imprimé sur du papier mâché réutilisable avec une encre de sèche 100 % naturelle.

À l'école des Sombres Monts,

Ce ne fut pas rose tous les jours.

Mais de roses il ne sera ici question,

Pas plus que d'amour.

Certes, je n'étais pas le plus beau,

Certes, je n'étais pas le plus grand,

Certes, je n'étais pas le plus frais,

Ni même le plus fringant.

Je n'étais pas non plus le plus maigre,

Et encore moins le plus riche,

Mais je n'étais pas pour autant le plus aigre.

Il est même possible que je fus alors

L'Ogre le plus petit, le plus pauvre et le plus laid

Jamais vu en ces lieux de mémoire de pion.

Je m'appelle Georges Cosette-Foyon :

Arriva ce qui devait arriver,

Je devins instantanément Tête-de-Fion.

Passent les brimades les plus humiliantes,

Passent les coups les plus vicieux, les insultes les plus blessantes,

Passent les nuitées enfermé au placard, avec pour tout souper quelques cafards,

Passent les limaces dans la soupe et les hérissons morts sous l'oreiller,

Passent aussi les clous dans les godasses et les croche-pattes dans l'escalier.

Mais jamais, alors jamais, ils n'auraient du découper mes chemises,

Les belles chemises en crin de Licorne fabriquées par Mémé.

Le premier drame concerna Dan Lemil, une petite crapule d'Elfe Noir,

Elève connu pour son audace et son absence de pitié pour les faibles,

Il chuta un beau soir du haut du toit, et se cassa le cou sur un abreuvoir.

C'était le premier cas d'une liste d'accidents digne d'une fable.

Deux Orcs furent retrouvés nus dans la cour d'honneur en plein hiver,

Plus raides que des groseilles congelées, jamais ils ne dégelèrent.

Puis un Gobelin plein de morgue et de suffisance

Du nom de Raoul Hala se noya dans une fosse d'aisance.

Un incendie consuma entièrement en pleine nuit le dortoir des cinquième année,

Dont la porte avait été malencontreusement fermée à clef.

Entre les chutes, les incendies, les accidents de sport,

Les empoisonnements au réfectoire avec la viande de porc,

Les disparitions inexpliquées au cours de randonnées,

Ce sont en tout quarante-huit petits anges qui y sont restés.

Plus de la moitié des enfants épargnés par les incidents

Furent retirés de l'établissement par leurs parents.

Le directeur, un vieux Centaure très à cheval sur les principes, donna sa démission,

Et fut remplacé par un Général Orc tout juste retraité de la treizième Légion.

La pression baissa sensiblement sur moi à partir de ce moment là.

On me chicanait toujours un peu, plus par réflexe que par méchanceté,

Mais le cœur n'y était plus, et entre les survivants naquit une espèce d'amitié.

Le restant de ma scolarité aux Sombres Monts se déroula sans incidents notables,

Et j'en sortis tout fier avec un beau diplôme d'expert comptable.

N'allez croire que de la moindre chose je fus coupable, je vous assure,

Je n'y peux rien si Mémé avait placé sur mes chemises un sort de rétorsion :

Les Ogres pratiquant la magie Noire n'ont pas le sens de la mesure, 

Et appliquent trop rudement le principe de précaution.

Un énorme Troll, jadis humilié par un Dragon Farceur,

Arrivait au Château de l'étang du miroir.

Il y cherchait du travail car c'était un bosseur :

Piètre chasseur, il devait payer de sa sueur pour manger et boire.

Flaminou, qui était de garde au niveau des douves le reconnu et lui lança :

"Hé ! bonjour, Monsieur le Troll ! 

Que vous êtes joli ! Que vous me semblez beau !

Sans mentir, S'il vous reste quelques bonnes chèvres,

Lancez moi l'une d'elles en contrebas, je m'en pourlèche déjà les lèvres !

Et Flaminou de se bidonner comme un fou au fond de son trou.

A ces mots, le Troll ne se sent pas de joie :

Il va enfin pouvoir se venger et écraser cet énergumène là !

Il saisit un gros rocher sur le bord du chemin, et le lance sur sa proie.

Flaminou l'évite d'un pas de côté, le Troll en envoie un autre,

Puis un autre, puis un autre encore, tous aussitôt évités :

Flaminou fait des vrilles, des saltos et des doubles piqués de toute beauté,

Si bien que tous les cailloux finissent au fond des douves,

Et que le Troll épuisé finit par tirer une langue de six pieds.

Flaminou s'écarte du dernier rocher d'un petit pas chassé, et dit :

"Mon bon Monsieur, apprenez que tout moqueur vit aux dépens de celui qui l'écoute :

J'avais pour tâche de tapisser ces douves de pierres, et vous m'avez bien aidé.

Je vais maintenant chercher mes gages. C'est grâce à vous, sans l'ombre d'un doute !"

Le Troll, honteux et confus,

Voyant s'élever dans les airs le dragon avec une grosse bourse, fruit de son labeur,

Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus,

Plein de dépit et d'aigreur.

Mais Flaminou avait bon cœur et pour ne pas s'en faire un ennemi pour la vie,

Il repéra une chèvre, fondit sur elle et s'en saisit après l'avoir rôtie.

Revenu au Château, il cibla le Troll et lui balança la dépouille fumante sur la tête.

Le Troll, à moitié assommé, pris d'une fureur folle, devint tout rouge et se mit à brailler.

Si la leçon valait bien une chèvre, la balancer d'une telle hauteur... c'était vraiment bête.

C'est d'ailleurs à partir de ce jour là que le Troll Heybus commença à dérailler.

(Mais c'est une autre histoire, qui vous sera narrée dans : "Le Troll et le Dragon III : Apocalypse Naoh")

J'ai retrouvé par hasard, un texte inconnu (et relativement médiocre) de l'un de mes aïeux. Le pauvre n'avait guère de talent, et il est donc tout à fait normal que se renommée ne soit pas parvenue jusqu'à nos oreilles. C'était un contemporain de Louis XIV, figurez vous ! J'ignorais d'ailleurs qu'ils maîtrisaient les bases de l'écriture à l'époque. Alors la poésie... Faisons preuve de tolérance envers ses sauvages, qui vivaient dans des cavernes, vêtus de peaux de bêtes. (il parait même qu'ils faisaient caca à l'extérieur du logement ! Incroyable non ?)

J'ai toutefois décidé de lui rendre un petit hommage, en mettant au goût du jour sa petite bafouille. Elle est bien meilleure ainsi :

Le Troll et le Dragon

Un énorme Troll, sur un rocher perché,
Tenait en ses mâchoires une chèvre.
Flaminou, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
"Hé ! bonjour, Monsieur le Troll
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre gingivite
Est à l'image de vos fourrures d'ermite,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois."
A ces mots le Troll ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer ses belles gencives,
Il ouvre sa grande gueule, laisse tomber sa proie.
Flaminou s'en saisit, et dit : "Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute :
Cette leçon vaut bien une chèvre, sans doute. "
Le Troll, honteux et confus,
Voyant s'élever dans les airs le dragon et son repas,
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus,

Jean de le Bidet, auteur contemporain.

PROCES VERBAL

Royaume de Brie.
Police d'Entremont.

Sardi 23 Frigor, 7ème année du règne du roi Khominutt.

Enquête pour tromperie aggravée à l'encontre de : Gérard Ghoublon, Demi-Hobbit

Accusateur : Gilbert Levert, Gobelin.

Enquêteur : Héssone Leglas, Elfe noir.

Monsieur Levert comparait ce jour en nos locaux d'Entremont pour déposer une plainte à l'encontre du dénommé Gérard Ghoublon, qu'il accuse de tromperie aggravée.

Monsieur Levert, 49 ans, a exercé diverses professions au cours de sa carrière professionnelle : Pupille du Royaume, il a d'abord été employé municipal de Livarot, avant de trouver un emploi de valet de chambre dans les Royaumes du Nord. A son retour dans notre royaume, Monsieur Levert a choisi de s'installer à Entremont avec sa femme, dont la dot lui a permis de démarrer un petit commerce de chaussettes d'occasion florissant sous l'enseigne « Au pied troué ». Monsieur Levert a ajourd'hui 7 enfants, 2 boutiques, et est conseiller municipal d'Entremont depuis les dernières élections.

Monsieur Levert vient nous informer qu'un demi-Hobbit connu sous le nom de Gérard Ghoublon vient de lui subtiliser par la ruse une cargaison de chaussettes d'occasion de grande valeur. (Plus de 670 Louis d'or, selon son estimation).

Le Gérard Ghoublon en question lui aurait également subtilisé sa femme Dee-Dee Levert et les économies contenues dans son coffre fort (3400 Louis d'or et 790 Talents d'argent). Ce sont les jeunes enfants de Monsieur Levert qui lui ont appris la nouvelle alors qu'il rentrait de son nouveau magasin de Livarot.

Monsieur Levert nous affirme qu'il n'a « rien vu venir ». Pour lui, Gérard Ghoublon était totalement digne de confiance. Il s'est présenté au domicile de Monsieur Levert il y a de cela quelques semaines en se présentant comme « investisseur en magasins de détail, conseiller spirituel et bienfaiteur ». Il avait acheté quelques paires de chaussettes d'occasion dans le magasin d'Entremont, et trouvait l'idée brillante. Il se proposait d'investir dans l'affaire afin d'aider Monsieur Levert à ouvrir des magasins dans tout le royaume. C'est d'ailleurs sur son initiative que le magasin de Livarot a été ouvert quelques semaines plus tard (avec les économies de Monsieur Levert, les fonds promis par Monsieur Ghoublon n'ayant pu être libérés à temps à cause de problèmes de « dates de valeur »). Selon Monsieur Levert, Monsieur Ghoublon serait immensément riche. Il aurait expliqué lors des nombreux repas pris avec la famille Levert avoir déposé dans sa jeunesse plusieurs brevets au sujet d'inventions de son cru. C'est ainsi qu'il aurait inventé la roue ronde, la bière à bulles et la fermentation du fromage. Monsieur Ghoublon aurait investi ses royalties dans la recherche sur d'autres projets, qui lui auraient permis d'inventer le bois de chauffage et le pied de table. Ces inventions auraient transformé sa fortune en une richesse inimaginable. Mais Monsieur Ghoublon, lassé d'une vie d'abondance vide de sens, serait désormais avant tout un philanthrope dont l'activité principale consisterait à parcourir les royaumes afin de donner des coups de pouce aux commerçants audacieux, en leur faisant profiter de sa fortune et de son sens des affaires.

Cependant, alors que Gérard Ghoublon devait accompagner Monsieur Levert pour l'ouverture du nouveau magasin de Livarot, il est malencontreusement tombé malade (une maladie chronique qu'il a contracté en sauvant de la peste noire toute la population d'un royaume Oriental). La femme de Monsieur Levert a alors suggéré que Monsieur Levert y aille seul en éclaireur avec les deux aînés (Jonas et Myrtille) pour aménager le nouveau magasin, tandis qu'elle soignerait Gérard Ghoublon à domicile. Une fois rétabli, il partirait ensuite les rejoindre avec la cargaison de chaussettes d'occasion pour l'ouverture du magasin.

Les chaussettes d'occasion ne sont jamais parvenues à Livarot. Monsieur Levert a d'abord pensé que le chargement avait été dérobé par des voleurs de petit chemin, mais il a finalement découvert que Madame Levert et Monsieur Ghoublon étaient partis dans la direction opposée à Livarot le lendemain de son propre départ. Les cinq jeunes enfants de Monsieur Levert ont eux été laissés à son domicile sous la garde de Louisa Cétèl-Bontan, une gouvernante humaine qui ne dément pas la réputation de bêtise de sa race (selon les dires de Monsieur Levert).

Monsieur Levert est directement venu porter plainte dès qu'il a découvert le pot aux roses. Malheureusement, il s'avère que Madame Dee-Dee Levert et Gérard Ghoublon ont quitté la ville depuis plus de neuf jours.

Dans le cadre d'un avis de recherche, nous allons tout de même diffuser la fiche signalétique des individus en fuite dans tout le royaume, et nous avons donc recueilli auprès de Monsieur Levert les descriptions qui permettront d'identifier les fuyards.

Gérard Ghoublon est roux, c'est un demi-Hobbit de taille moyenne, au teint cendré et d'âge incertain. Il présente une particularité physique : une oreille partiellement déchirée (dans un combat contre 7 trolls dont il serait sorti victorieux). Il serait doté d'une force surhumaine et de la capacité à communiquer avec tous les êtres vivants (sauf les peupliers et les nénuphars), mais aussi avec les morts, les morts vivants, les morts morts et les mormons. Il possèderait en outre toutes les capacités d'un mage noir, même si il a fait vœu de ne plus les utiliser depuis qu'il a rayé de la carte une île peuplée de centaures. (Il aurait eu un accès de colère après une partie de petits chevaux truquée). Il aurait également le don d'invisibilité et la capacité de charmer les Ogres avec un flutiau.

Dee-Dee Levert est une Fée des Buissons de taille moyenne, aux ailes dorées. Elle a de très grands yeux, dorés eux aussi, la peau très blanche et une grande chevelure noire bouclée. Elle a toujours refusé de donner son âge à Monsieur Levert. Monsieur Levert insiste pour que nous fassions mention de sa très grande beauté. Monsieur Levert estime en outre qu'elle est très crédule et qu'il est possible que Gérard Ghoublon lui ait raconté des bobards pour la séduire.

Information importante : le chargement de chaussettes d'occasion n'a pas été lavé, il doit donc dégager une odeur assez forte, d'autant plus qu'il contient les chaussettes d'une compagnie d'Orcs Noirs de retour de campagne militaire.

De tous les éléments ci dessus, Monsieur Levert approuve et signe le procès verbal.

Je m'attache à rédiger immédiatement la fiche signalétique des fuyards afin de la diffuser au plus vite à tous nos postes frontières.

Je précise que je me suis vue contrainte de refuser les deux paires de chaussettes d'occasion que Monsieur Levert m'a offertes avant de quitter le poste. Elles étaient dépareillées et avaient visiblement été portées par une Vouivre à l'hygiène douteuse, mais je les ai refusées car en ma qualité d'agent de police du Royaume de Brie, je ne suis pas autorisée à accepter les cadeaux des plaignants.

Héssone Leglas, Enquêteuse Royale.

Un vieux roi tout décrépit, Devérol le Troisième, avait un gros problème de succession : 

Son premier fils, Rheulika, était un imbécile ventripotent, toujours content de lui et totalement incapable de diriger le pays. (Car il est impossible de donner des ordres compréhensibles lorsque l'on a la bouche pleine). Son occupation principale consistait à construire des châteaux-forts miniatures avec les os des volailles qu'il ingurgitait à toute heure du jour et de la nuit.

Son second fils, Kreuvur, était une saloperie de la pire espèce : méchant, sournois, agressif et pyromane. Son passe temps préféré consistait à mettre le feu aux animaux qu'il capturait, puis de relâcher les pauvres bêtes en flammes afin de déclencher des incendies de forêt. Devérol le Troisième préférait lui même mettre le feu au royaume et le réduire en cendres plutôt que d'en confier les rennes à cette petite ordure pour qu'il fasse la même chose en dix fois pire.

Son troisième fils, c'était plus grave encore car son troisième fils était... une fille. Thrace était une princesse énergique, courageuse, entreprenante, réfléchie et de surcroit d'une grande beauté. Le fils parfait, en somme, sauf que c'était une fille. Devérol le Troisième en était consumé de chagrin.

De prime abord, le problème du roi Devérol semblait insoluble. Les meilleurs magiciens du royaume peinaient déjà à transformer un œuf de poule en œuf dur avec une marmite d'eau chaude, transformer une fille en garçon était pour eux une tâche impossible. Ils avaient toutefois proposé (sans garantie) de transformer sa fille en œuf dur, mais le roi Devérol le Troisième avait refusé sèchement, n'ayant absolument pas l'utilité d'un œuf dur aux cheveux longs.

Sentant ses forces décliner, le roi choisit alors la seule option qui lui restait : il décida de se faire envahir par le Royaume voisin. Le roi Archie était un vieil ami, qui accepterait sans coup férir de lui rendre ce petit service. Une fois que la Devérolie aurait rendu les armes, il donnerait Thrace en mariage à l'un des fils d'Archie le Ténébreux, et l'heureux élu pourrait prendre le royaume en mains sans avoir à se soucier de Rheulika et de Kreuvur.

Le roi Devérol le Troisième envoya donc un messager à destination du Roi de l'Etang du Miroir, Archie le Ténébreux. Le messager revint quelques jours plus tard sur le Flaminou Express, le teint un peu cireux, porteur d'une bonne nouvelle : Archie avait encore deux fils à marier, actuellement sous les drapeaux. Il lui envoyait les deux garçons afin qu'il fasse son choix.

Il l'informait également que le Royaume de l'Etang du Miroir attaquerait la Devérolie la semaine suivante par la frontière Sud.

La semaine suivante, la garnison frontalière Sud, en manœuvre avec la garnison frontalière Est sur la frontière Nord, ne put du fait de son absence résister à la force d'invasion (fort modeste) du Royaume de l'Etang du Miroir. La force était constituée d'une compagnie d'Orcs Noirs, et de Kordhage et de Philait Deuthéniss, deux princes célibataires du Royaume de l'Etang du Miroir.

Les deux fils d'Archie avaient eu toutes les peines du monde à faire comprendre à la compagnie d'Orcs qu'il s'agissait d'une invasion pacifique et qu'il était hors de question de tuer, d'étrangler ou de piller quoi que ce soit.

Bientôt arrivés au Château Devérol sans avoir infligé le moindre dégât collatéral au royaume Devérolie, ils se frayèrent un chemin jusqu'à la salle du Trône au moment du changement de la garde.

Le roi y était seul en compagnie de Rheulika (qui grignotait un plateau de cuisses de dinde) et de Simone la Démone, sa nouvelle conseillère particulière en magie, qui était sans succès en train de lire l'avenir dans des entrailles de ver de terre. 

C'est à ce moment là, alors que Devérol le Troisième s'apprêtait à capituler devant la force d'invasion, que trois accrocs vinrent mettre en danger son plan. 

Tout d'abord, à la vue de Simone la Démone, les Orcs Noirs furent pris d'un grand effroi. Ils jetèrent leurs armes à terre et se prosternèrent. Les Orcs n'avaient peur de rien, c'est bien connu, sauf des Démones. Premier accroc.

Ensuite, Kreuvur, qui était censé superviser les manœuvres de la frontière nord, entra dans la salle du trône, armé jusqu'aux dents. Il venait expliquer au roi que la manœuvre sur la frontière Nord avait permis de déjouer une invasion du Royaume des Vertes Collines. Auréolé de gloire par ce fait d'armes, il venait demander au Roi de modifier l'ordre de succession en sa faveur. Voyant un homme en armes entrer dans la salle du trône, le courage des Orcs Noirs fit sa réapparition : ils se relevèrent et se préparèrent à en découdre. Deuxième accroc.

Arriva enfin Thrace, à qui son père avait pourtant demandé de rester dans sa chambre. Elle avait cependant été informée de l'invasion en cours et était bien décidée à la repousser. Elle entra comme une furie dans la salle du trône et d'un seul coup d'épée, elle décapita la première rangée d'Orcs Noirs, qui n'en demandait pas tant. Précisons toutefois que la huitième tête ne se détacha pas entièrement du corps, quelques tendons n'étant pas tranchés. (Il est important de le préciser car souvent, les récits historiques tendent à l'exagération.) Troisième accroc.  

Le Roi, un peu dépassé par la tournure des évènements, fit alors une gaffe :

• Ma fille ! Ce n'est point là une façon convenable d’accueillir ses soupirants !

• Mais enfin, Père, ce ne sont point des soupirants mais des envahisseurs !

• L'un empêche pas l'autre, petite écervelée !

• Jamais je ne coucherai avec l'ennemi ! Plutôt mourir !

Rheulika et Kreuvur, qui n'étaient pas des sots, comprirent aussitôt de quoi il retournait : on voulait les priver de leur héritage.

Les trois prétendants légitimes au trône Devérol se jetèrent d'un seul homme sur les deux héritiers Deuthéniss.

Les Orcs Noirs restants, eux, ne purent se joindre au combat car Simone la Démone le leur interdit d'un simple claquement de doigts (sa façon à elle de lancer un sort de catatonie).

Le combat débuta. Rheulika, qui en guise d'arme s'était muni d'un os de cuisse de dinde, se trouva assez vite essoufflé et décida de sagement rejoindre son fauteuil.

Le combat se résuma donc à un double duel : Kordhage contre Kreuvur et Thrace contre Philait. Kordhage et Philait mirent très rapidement leurs adversaires hors de combat (sans leur infliger la moindre blessure), car ils étaient connus dans les Huit Royaumes comme les "Imbattables Champions Dheuténiss".

Le roi en profita aussitôt pour rendre les armes :

• Je considère que le royaume Devérolie est envahi et j'abdique donc en faveur de celui d'entre vous deux qui épousera ma fille.

Les deux champions Dheuténiss se regardèrent et décidèrent d'un seul regard de s'affronter en duel pour remporter le trophée.

Ce duel resta dans les annales comme le duel final Dheuténiss. Il dura un temps considérable, plus de six heures. D'abord passionnant, le combat devint soporifique, si bien que lorsque Kordhage finit par mettre une volée à Philait, tous les spectateurs dormaient à poings fermés à même les dalles de la salle du trône. (Sauf Rheulika qui terminait son troisième plateau de cuisses de dinde rôties).

Les deux champions furent obligés de réveiller tout le monde.

Kordhage épousa Thrace et devint Devérol le Quatrième.

Philait repartit finir son service dans le Royaume de l'Etang du Miroir avec les Orcs Noirs restants, qui se consolèrent de l'absence de pillage en se partageant la solde de leurs huit frères d'armes restés sur le carreau.

Finalement, Thrace Devérol fut enchantée d'épouser un champion Dheuténiss et de diriger conjointement le royaume avec Khordage.

Simone la Démone trouva à Kreuvur Devérol un emploi dans une salle de torture du troisième cercle des enfers qui lui permit enfin de s'épanouir. Il envoya chaque année à sa soeur un collier ou un bracelet d'ongles peints pour son anniversaire.

Simone la Démone recolla également les huit têtes des Orcs Noirs décapités (enfin les sept têtes, l'une n'étant pas totalement détachée) et leur redonna vie, si bien qu'encore aujourd'hui les portes de la salle du trône Devérol sont gardées par huit Orcs Noirs Zombies très dissuasifs.

Rheulika Devérol devint une célébrité dans les Huit Royaumes grâce son exposition itinérante de châteaux-forts en os de volaille. Son association avec le Flaminou Express (pour le transport de l'exposition et la fourniture d'os de volaille nettoyés) lui permit de construire des miniatures géantes qui furent vendues comme maisons d'habitation aux Gobelins des Marais. Rheulika devint extrêmement riche.

Moralité : 
Une invasion pacifique où personne ne trépasse
est préférable à une invasion chaotique où tout le monde boit la tasse.

Par un vilain hiver, il était une fois, dans un château miteux perdu dans les montagnes, un triste Sire : Théodoric Heunneterre, demi-Hobbit plus connu sous le pseudonyme de Rastapopoulos VIII, Roi de Rastapopoulosie Septentrionale, surnommé le "Royaume du vent et des mauvaises herbes" par les Royaumes frontaliers.

Théodoric était un triste roi, esseulé, sans richesses, sans idées, et surtout sans espoir.

La Reine Dee-Dee, une ravissante Fée des Buissons, s'était enfuie l'hiver précédent avec son valet de chambre, un Gobelin rieur nommé Gilbert Levert.

Le roi n'avait plus à son service que trois domestiques : un cuisinier neurasthénique, André, une jeune et jolie femme de chambre, Nicoleta, et un chambellan aussi vieux et décrépi que le château, Gustave.

Le royaume était minuscule, et perdait chaque années des habitants, car le manque de nourriture devenait problématique. Si trop manger peut tuer, ne pas manger aboutit au même résultat avec davantage de certitude et de célérité.

Les rares fermiers dépendants du château l'approvisionnaient chichement en pain rassis, navets pourris et en beurre rance. C'est le plus souvent André et Gustave qui allaient faire provision de bois pour les quatorze cheminées du château. Mais les arbres se faisant rares eux aussi, le plus souvent seule la cheminée des cuisines était pourvue en branchettes pour faire cuire la soupe aux navets pourris, ingrédient principal de l'unique repas de la journée.

Chaque soir à tour de rôle, André et Gustave tentaient de séduire Nicoleta, qui n'en demandait pas tant. C'était la seule occupation valable à des lieues à la ronde, il faut les comprendre.

Mais Nicoleta restait imperméable à toutes les tentatives laborieuses des hommes du château, elle n'avait d'yeux que pour le Roi, qui, la tête baissée en permanence, ne la voyait jamais. Ils finissaient donc chaque soir par jouer tous les quatre aux cartes dans la cuisine, les larmes aux yeux (car la cheminée tirait mal).

Vous pensez probablement que cette histoire n'est pas très gaie, vous n'avez pas tort,

Et pourtant,

Vous n'avez pas encore lu la suite, dans laquelle le triste Sire subit un bien triste sort.

Par une nuit sans lune en plein cœur de l'hiver, le château prit feu. Un feu de cheminée. André le cuisinier avait oublié sur le feu la soupe aux navets pourris, et la marmite vide avait fini par s'enflammer, le navet pourri étant comme chacun sait hautement inflammable. Le château fut carbonisé jusqu'aux fondations en moins de dix minutes.

On ne retrouva jamais aucune trace du Chambellan Gustave Émaria, et seulement un pied noirci du cuisinier André Gueux-Lasse. Seuls en réchappèrent le Roi Rastapopoulos VIII et sa femme de chambre Nicoleta Seur. Ils étaient désormais sans toit, au cœur de la nuit d'hiver la plus froide de l'année, et aucun des fermiers des environs n'accepta de les loger, sous des prétextes tous plus fallacieux les uns que les autres. (Un fermier prétendit qu'il manquait de place, un autre qu'ils sentaient trop la fumée, et un autre répondit même qu'il n'y avait personne lorsqu'ils frappèrent à sa porte.)

En désespoir de cause, transis de froid, ils se réfugièrent tous deux sous les racines d'un Chêne centenaire. Ils y passèrent enlacés le reste de la nuit, pour se tenir chaud. Le roi fit de son corps un rempart infranchissable pour protéger Nicoleta du froid. Dans un dernier élan de générosité, il lui légua toute sa fortune, et il mourut dans ses bras, heureux pour la première fois depuis de très longs mois.

Nicoleta survécut à cette folle nuit, et mis au monde neuf mois plus tard un petit quart-Hobbit de huit livres, qu'elle prénomma Éric.

La moralité de cette histoire, c'est que certes, on peut vivre heureux et avoir beaucoup d'enfants, mais rien n'empêche de mourir heureux en en faisant un.

Note : Le petit Éric Heunneterre fut plus connu sous le nom de Childéric Ier, le roi qui mit tout le continent occidental à feu et à sang au siècle dernier avant de le conquérir en totalité.

Anaskri Bouillard, Archiviste Royal

Note provisoire établie dans le cadre de l’établissement de la généalogie complète de la dynastie Childéric.

Le comité des Vouivres du Pays des Lacs nous demande d'insérer le droit de réponse suivant.

Compte tenu des menaces proférées à l'encontre du tenancier de ce blog, et après consultation de mon conseiller juridique, (Maître Etalon Delasselle, Centaure diplomé de l'école juridique Dutrot), nous avons décidé courageusement de le publier in-extenso :

Monsieur,

Nous venons de prendre connaissance des allégations d'une Ondine concernant une soi-disant « Complainte des Vouivres ».

Sachez qu'une telle complainte n'existe pas, c'est une pure invention. Jamais nous, les Vouivres, ne chanterions une chanson légère au sujet de la disparition de nos bons amis, les Orcs des Marais.

Nous accusons les Ondines d'avoir ourdi un coup monté et d'essayer de nous mettre sur le dos la disparition des Orcs des Marais, dont elles sont les premières responsables !

Il faut en effet que la vérité éclate : les Ondines ont toujours été de grosses jalouses de notre succès auprès des Orcs des Marais, et ce sont elles qui se sont mises à les chasser pour se venger de leur choix judicieux en matière de monstres féminins !

Cela fait des générations qu'elles entonnent à chaque solstice un horrible chant que vous trouverez sans doute très révélateur et que nous reproduisons ici : 

Les pauvres, les infâmes,

Ils ne nous ont pas choisies...

hihihihi !

Aujourd'hui, au fond de l'eau,

ils s'en mordent les doigts,

hahaha !

Aujourd'hui, ils font moins les beaux,

A nous, les Ondines, on ne la fait pas....

hahaha !

Et les Vouivres, ces vieilles pies,

Ajourd'hui, elles sentent le moisi !

hihihihi ! 

Vous comprendrez notre indignation lorsque nous avons lu le petit chant qui nous était attribué par une Ondine, alors qu'elles seules sont responsables de la disparition de nos biens aimés Orcs des Marais !

Nous vous remercions de bien vouloir publier in extenso le présent droit de réponse sur votre blog, faute de quoi nous nous verrions contraintes de vous interdire tout séjour touristique à proximité d'un point d'eau au cours de six cent prochaines années.

Signé : Le Comité des Vouivres du Pays des Lacs. 

Une ondine qui nous fait l'honneur de suivre assidument ce blog nous informe que les Vouivres chantent depuis déjà pas mal de temps une petite complainte assez pénible, dont elle nous communique le texte intégral : 

(Elle nous précise également que la voix des Ondines n'est pas insupportable, c'est juste que nous ne savons pas en comprendre la richesse et les subtilités. Dont acte)

Où sont ils ? Où sont ils passés ?

Nos petits Orcs des Marais,

Ils étaient tellement marrants !

Où sont ils ? Où sont ils passés ?

Nos petits Orcs, nos p'tits amants,

Ils étaient tellement charmants !

Où sont ils ? Où sont ils passés ?

Nos petits Orcs, nos p'tits maris,

En avons nous mangé autant ? 

Chanson naguère chantée par les Orcs des Marais lorsqu'ils partaient pêcher l'anguille, pour éloigner les Vouivres de leurs embarcations... ou pour les attirer, on a jamais bien su.

(Les Orcs des Marais communiquent peu et se font de plus en plus rares, mais leur chanson est parvenue jusqu'à nous via les Ondines, qui sont dotées comme chacun sait d'une excellente mémoire mais d'une voix insupportable)

Tu m'as mangé le cœur, mon bel ange carmin,

Mon cœur, rouge et sanglant, arraché de tes mains,

Recrache mon cœur mon ange, je suis bien trop ivre,

Sans lui je ne retrouverai pas mon chemin.

Donne moi donc le tien, ma petite Vouivre,

Sans lui jamais je ne pourrai vivre demain,

Dis moi un mot un seul et je te délivre,

Seul ton cœur saignant apaisera mon chagrin.